canonnieres, vient
foudroyer les republicains des deux cotes de la Falaise, et les empeche
pour ce jour-la de pousser plus loin leurs avantages.
Les fugitifs se pressent pour entrer dans le fort, mais on leur en
dispute un moment l'entree; ils se precipitent alors sur les palissades,
les arrachent, et fondent pele-mele dans la presqu'ile. Dans cet
instant, d'Hervilly arrivait enfin avec son regiment; Vauban le
rencontre, et dans un mouvement de colere, lui dit qu'il lui demandera
compte de sa conduite devant un conseil de guerre. Les chouans se
repandent dans l'etendue de la presqu'ile, ou se trouvaient plusieurs
villages et quelques hameaux. Tous les logemens etaient pris par les
regimens; il s'engage des rixes; enfin les chouans se couchent a terre;
on leur donne une demi-ration de riz, qu'ils mangent en nature, n'ayant
rien pour la faire cuire.
Ainsi cette expedition, qui devait bientot porter le drapeau des
Bourbons et des Anglais jusqu'aux bords de la Mayenne, etait maintenant
resserree dans cette presqu'ile, longue de deux lieues. On avait douze
ou quinze mille bouches de plus a nourrir, et on n'avait a leur donner
ni logement, ni bois a bruler, ni ustensiles pour preparer leurs
alimens. Cette presqu'ile, defendue par un fort a son extremite, bordee
des deux cotes par les escadres anglaises, pouvait opposer une
resistance invincible; mais elle devenait tout a coup tres faible par
le defaut de vivres. On n'en avait apporte, en effet, que pour nourrir
six mille hommes pendant trois mois, et on en avait dix-huit ou vingt
mille a faire vivre. Sortir de cette position par une attaque subite sur
Sainte-Barbe, n'etait guere possible; car les republicains, pleins
d'ardeur, retranchaient ce poste de maniere a le rendre inexpugnable du
cote de la presqu'ile. Tandis que la confusion, les haines et
l'abattement regnaient dans cet informe rassemblement de chouans et
d'emigres, dans le camp de Hoche, au contraire, soldats et officiers
travaillaient avec zele a elever des retranchemens. "Je voyais, dit
Puisaye, les officiers eux-memes, en chemise, et distingues seulement
par leur hausse-col, manier la pioche, et hater les travaux de leurs
soldats."
Cependant Puisaye decida pour la nuit meme une sortie, afin
d'interrompre les travaux; mais l'obscurite, le canon de l'ennemi,
jeterent la confusion dans les rangs; il fallut rentrer. Les chouans,
desesperes, se plaignaient d'avoir ete trompes; ils regrettaient leur
ancien genr
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