tait leur ouvrage, se defiaient les uns des autres, et
se laissaient compromettre, sinon gagner par le royalisme. Grace aux
calomnies des royalistes, les derniers jours de cette illustre assemblee
finissaient comme ils avaient commence, dans le trouble et les orages.
Tallien demanda enfin la nomination d'une commission de cinq membres,
chargee de proposer des mesures efficaces pour sauver la revolution
pendant la transition d'un gouvernement a l'autre. La convention nomma
Tallien, Dubois-Crance, Florent Guyot, Roux (de la Marne), et Pons (de
Verdun). Le but de cette commission etait de prevenir les manoeuvres des
royalistes dans les elections, et de rassurer les republicains sur la
composition du nouveau gouvernement. La Montagne, pleine d'ardeur, et
s'imaginant que cette commission allait realiser tous ses voeux, crut un
instant et repandit le bruit qu'on allait annuler toutes les elections,
et suspendre pour quelque temps encore la mise en activite de la
constitution. Elle s'etait persuade, en effet, que le moment n'etait pas
venu d'abandonner la republique a elle-meme, que les royalistes
n'etaient pas assez abattus, et qu'il fallait continuer quelque temps
encore le gouvernement revolutionnaire pour les abattre. Les
contre-revolutionnaires affecterent de repandre les memes bruits. Le
depute Thibaudeau, qui jusque-la n'avait marche ni avec la Montagne, ni
avec les thermidoriens, ni avec les monarchiens, mais qui avait paru
neanmoins un republicain sincere, et sur lequel trente-deux departemens
venaient de fixer leur choix, car on avait l'avantage en le nommant de
ne se declarer pour aucun parti, le depute Thibaudeau ne devait pas
naturellement se defier de l'etat des esprits autant que les
thermidoriens. Il croyait que Tallien et son parti calomniaient la
nation en voulant prendre tant de precautions contre elle; il supposa
meme que Tallien avait des projets personnels, qu'il voulait se placer a
la tete de la Montagne, et se donner une dictature, sous le pretexte de
preserver la republique des royalistes. Il denonca d'une maniere
virulente et amere ce pretendu projet de dictature, et fit contre
Tallien une sortie imprevue, dont tous les republicains furent surpris,
car ils n'en comprenaient pas le motif. Cette sortie meme compromit
Thibaudeau dans l'esprit des plus defians, et lui fit supposer des
intentions qu'il n'avait pas. Quoiqu'il rappelat qu'il etait regicide,
on savait bien par les lettres saisies[7], que la m
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