xterieurs produisait sur son
imagination bouleversee par de cruelles terreurs. En voyant les pales
rayons de la lune se glisser ca et la dans les fentes des roches, et se
briser sur les eaux tremblotantes, en sentant l'air de la foret fremir
par intervalles sur les plantes immobiles que l'eau n'atteignait pas,
en se sentant toujours plus pres de la surface de la terre, elle se
sentait renaitre, et l'accueil qui l'attendait au terme de son heroique
pelerinage, se peignait dans son esprit sous des couleurs moins sombres.
Enfin, elle vit le sentier se detourner brusquement de la rive, entrer
dans une courte galerie maconnee fraichement, et finir a une petite
porte qui semblait de metal, tant elle etait froide, et qu'encadrait
gracieusement un grand lierre terrestre.
Quand elle se vit au bout de ses fatigues et de ses irresolutions, quand
elle appuya sa main epuisee sur ce dernier obstacle, qui pouvait ceder a
l'instant meme, car elle tenait la clef de cette porte dans son autre
main, Consuelo hesita et sentit une timidite plus difficile a vaincre que
toutes ses terreurs. Elle allait donc penetrer seule dans un lieu ferme a
tout regard, a toute pensee humaine, pour y surprendre le sommeil ou la
reverie d'un homme qu'elle connaissait a peine; qui n'etait ni son pere,
ni son frere, ni son epoux; qui l'aimait peut-etre, et qu'elle ne pouvait
ni ne voulait aimer. Dieu m'a entrainee et conduite ici, pensait-elle, au
milieu des plus epouvantables perils. C'est par sa volonte plus encore
que par sa protection que j'y suis parvenue. J'y viens avec une ame
fervente, une resolution pleine de charite, un coeur tranquille, une
conscience pure, un desinteressement a toute epreuve. C'est peut-etre la
mort qui m'y attend, et cependant cette pensee ne m'effraie pas. Ma vie
est desolee, et je la perdrais sans trop de regrets; je l'ai eprouve il
n'y a qu'un instant, et depuis une heure je me vois devouee a un affreux
trepas avec une tranquillite a laquelle je ne m'etais point preparee.
C'est peut-etre une grace que Dieu m'envoie a mon dernier moment. Je
Vais tomber peut-etre sous les coups d'un furieux, et je marche a cette
catastrophe avec la fermete d'un martyr. Je crois ardemment a la vie
eternelle, et je sens que si je peris ici, victime d'un devouement
inutile peut-etre, mais profondement religieux, je serai recompensee
dans une vie plus heureuse. Qui m'arrete? et pourquoi eprouve-je
donc un trouble inexprimable, comme si j'allais comme
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