endant elle fit bientot usage de sa raison. Elle n'avait fait que
monter depuis qu'elle avait quitte le precipice, au moment d'etre
submergee. A moins que Zdenko n'eut a son service une machine hydraulique
d'une puissance et d'une etendue incomprehensible, il ne pouvait pas
faire remonter vers elle son terrible auxiliaire, le torrent. Il etait
bien evident d'ailleurs qu'elle devait rencontrer quelque part le
courant de la source, l'ecluse, ou la source elle-meme; et si elle eut pu
reflechir davantage, elle se fut etonnee de n'avoir pas encore trouve sur
son chemin cette onde mysterieuse, cette source des Pleurs qui alimentait
la citerne.
C'est que la source avait son courant dans les veines inconnues des
montagnes, et que la galerie, coupant a angle droit, ne la rencontrait
qu'aux approches de la citerne d'abord, et ensuite sous le Schreckenstein,
ainsi qu'il arriva enfin a Consuelo. L'ecluse etait donc loin derriere
elle, sur la route que Zdenko avait parcourue seul, et Consuelo approchait
de cette source, que depuis des siecles aucun autre homme qu'Albert ou
Zdenko n'avait vue. Elle eut bientot rejoint le courant, et cette fois
elle le cotoya sans terreur et sans danger.
Un sentier de sable frais et fin remontait le cours de cette eau
limpide et transparente, qui courait avec un bruit genereux dans un lit
convenablement encaisse. La, reparaissait le travail de l'homme. Ce
sentier etait releve en talus dans des terres fraiches et fertiles; car
de belles plantes aquatiques, des parietaires enormes, des ronces
sauvages fleuries dans ce lieu abrite, sans souci de la rigueur de la
saison, bordaient le torrent d'une marge verdoyante. L'air exterieur
penetrait par une multitude de fentes et de crevasses suffisantes pour
entretenir la vie de la vegetation, mais trop etroites pour laisser
passage a l'oeil curieux qui les aurait cherchees du dehors. C'etait
comme une serre chaude naturelle, preservee par ses voutes du froid et
des neiges, mais suffisamment aeree par mille soupiraux imperceptibles.
On eut dit qu'un soin complaisant avait protege la vie de ces belles
plantes, et debarrasse le sable que le torrent rejetait sur ces rives
des graviers qui offensent le pied; et on ne se fut pas trompe dans cette
supposition. C'etait Zdenko qui avait rendu gracieux, faciles et surs les
abords de la retraite d'Albert.
Consuelo commencait a ressentir l'influence bienfaisante qu'un aspect
moins sinistre et deja poetique des objets e
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