allades sur mon frere
Albert. Je ne puis pas te les apprendre; tu ne les comprendrais pas.
J'en fais tous les jours de nouvelles, qui ne ressemblent jamais aux
anciennes. Demande-moi toute autre chose.
--Pourquoi ne te comprendrais-je pas? Je suis la consolation. Je me nomme
Consuelo pour toi, entends-tu? et pour le comte Albert qui seul ici me
connait.
--Toi, Consuelo? dit Zdenko avec un rire moqueur. Oh! tu ne sais ce que
tu dis. _La delivrance est enchainee...._
--Je sais cela. _La consolation est impitoyable_. Mais toi, tu ne
sais rien, Zdenko. La delivrance a rompu ses chaines, la consolation a
brise ses fers.
--Mensonge, mensonge! folies, paroles allemandes! reprit Zdenko en
reprimant ses rires et ses gambades. Tu ne sais pas chanter.
--Si fait, je sais chanter, repartit Consuelo. Tiens, ecoute."
Et elle lui chanta la premiere phrase de sa chanson sur les trois
montagnes, qu'elle avait bien retenue, avec les paroles qu'Amelie l'avait
aidee a retrouver et a prononcer.
Zdenko l'ecouta avec ravissement, et lui dit en soupirant:
"Je t'aime beaucoup, ma soeur, beaucoup, beaucoup! Veux-tu que je
t'apprenne une autre chanson?
--Oui, celle du comte Albert, en allemand d'abord; tu me l'apprendras
apres en bohemien.
--Comment commence-t-elle?" dit Zdenko en la regardant avec malice.
Consuelo commenca l'air de la chanson de la veille:
"_Il y a la-bas, la-bas, une ame en travail et en peine...._"
"Oh! celle-la est d'hier; je ne la sais plus aujourd'hui, dit Zdenko en
l'interrompant.
--Eh bien! dis-moi celle d'aujourd'hui.
--Les premiers mots? Il faut me dire les premiers mots.
--Les premiers mots! les voici, tiens: Le comte Albert est la-bas, la-bas
dans la grotte de Schreckenstein...."
A peine eut-elle prononce ces paroles que Zdenko changea tout a coup de
visage et d'attitude; ses yeux brillerent d'indignation. Il fit trois pas
en arriere, eleva ses mains au-dessus de sa tete, comme pour maudire
Consuelo, et se mit a lui parler bohemien dans toute l'energie de la
colere et de la menace.
Effrayee d'abord, mais voyant qu'il s'eloignait, Consuelo voulut le
rappeler et le suivre. Il se retourna avec fureur, et, ramassant une
enorme pierre qu'il parut soulever sans effort avec ses bras maigres et
debiles:
"Zdenko n'a jamais fait de mal a personne, s'ecria-t-il en allemand;
Zdenko ne voudrait pas briser l'aile d'une pauvre mouche, et si un petit
enfant voulait le tuer, il se laisserait
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