oposaient de fuir.
-- Alors, dit Henri a Francois inquiet, il est donc evident qu'il
y a un second parti qui veut autre chose que ce que veut
M. de Mouy.
-- Un second parti?
-- Oui, et fort puissant, vous dis-je; de sorte que pour reussir
il faudrait reunir les deux partis: Turenne et de Mouy. La
conspiration marche, les troupes sont designees, on n'attend qu'un
signal. Or, dans cette situation supreme, qui demande de ma part
une prompte solution, j'ai debattu deux resolutions entre
lesquelles je flotte. Ces deux resolutions, je viens vous les
soumettre comme a un ami.
-- Dites mieux, comme a un frere.
-- Oui, comme a un frere, reprit Henri.
-- Parlez donc, je vous ecoute.
-- Et d'abord je dois vous exposer l'etat de mon ame, mon cher
Francois. Nul desir, nulle ambition, nulle capacite; je suis un
bon gentilhomme de campagne, pauvre, sensuel et timide; le metier
de conspirateur me presente des disgraces mal compensees par la
perspective meme certaine d'une couronne.
-- Ah! mon frere, dit Francois, vous vous faites tort, et c'est
une situation triste que celle d'un prince dont la fortune est
limitee par une borne dans le champ paternel ou par un homme dans
la carriere des honneurs! Je ne crois donc pas a ce que vous me
dites.
-- Ce que je vous dis est si vrai cependant, mon frere, reprit
Henri, que si je croyais avoir un ami reel, je me demettrais en sa
faveur de la puissance que veut me conferer le parti qui s'occupe
de moi; mais, ajouta-t-il avec un soupir, je n'en ai point.
-- Peut-etre. Vous vous trompez sans doute.
-- Non, ventre-saint-gris! dit Henri. Excepte vous, mon frere, je
ne vois personne qui me soit attache; aussi, plutot que de laisser
avorter en des dechirements affreux une tentative qui produirait a
la lumiere quelque homme... indigne... je prefere en verite
avertir le roi mon frere de ce qui se passe. Je ne nommerai
personne, je ne citerai ni pays ni date; mais je previendrai la
catastrophe.
-- Grand Dieu! s'ecria d'Alencon ne pouvant reprimer sa terreur,
que dites-vous la?... Quoi! Vous, vous la seule esperance du parti
depuis la mort de l'amiral; vous, un huguenot converti, mal
converti, on le croyait du moins, vous leveriez le couteau sur vos
freres! Henri, Henri, en faisant cela, savez-vous que vous livrez
a une seconde Saint-Barthelemy tous les calvinistes du royaume?
Savez-vous que Catherine n'attend qu'une occasion pareille pour
exterminer tout ce qui a survecu?
|