nous avons en outre pu apprecier les degres de cette
suggestibilite, ce qui nous a permis d'etablir que ce degre varie avec
l'age de l'enfant, et varie aussi suivant la justesse de son coup d'oeil ou
suivant qu'il fait la comparaison avec la memoire ou avec sa perception.
Mais hatons-nous d'ajouter que l'appreciation que nous avons pu faire des
degres de suggestibilite est encore bien rudimentaire; pour savoir que les
enfants sont plus suggestibles a tel age qu'a tel autre, et dans telle
condition que dans telle autre, qu'avons-nous fait? Nous avons employe la
methode statistique; a tel age, avons-nous calcule, il y a 81 enfants sur
100 qui obeissent a la suggestion, tandis qu'a un age plus avance, on n'en
trouve plus que 51 pour 100 de suggestibles. Ce procede d'evaluation
n'est possible qu'a la condition d'operer sur un grand nombre de sujets;
evidemment, ce n'est pas un procede directement applicable a la psychologie
individuelle; il ne pourrait pas servir a determiner dans quelle mesure un
enfant particulier est suggestible.
Dernierement, un anthropologiste italien, Vitale Vitali[17], a reproduit
nos experiences dans les ecoles de la Romagne, et il est arrive a des
resultats encore plus frappants que les notres. Il a constate comme nous
que les changements d'opinion se font bien plus facilement dans l'operation
de memoire que dans la comparaison directe; le nombre de ceux qui changent
d'opinion est a peu pres le double dans le premier cas; il a vu aussi que
cette suggestibilite diminue beaucoup avec l'age, et enfin qu'elle est
moins forte chez ceux qui ont vu juste la premiere fois que chez ceux qui
s'etaient trompes. Nos chiffres etaient les suivants: pour ceux ayant vu
juste la premiere fois, les suggestibles etaient de 56 p. 100, tandis que
pour ceux qui s'etaient trompes, les suggestibles etaient de 72 p. 100. Les
resultats de Vitale Vitali sont encore plus nets; pour le premier
groupe, il trouve 32 p. 100, et pour le second 80 p. 100. C'est donc une
confirmation sur tous les points.
[Note 17: _Studi antropologici_, Forli, 1896, p. 97.]
Le meme auteur a imagine une variante curieuse de l'experience susdite,
en appliquant deux pointes de compas sur la peau d'un eleve, et en lui
demandant, lorsque l'eleve avait accuse une pointe ou deux: "En etes-vous
bien sur?" Les eleves de moins de quinze ans ont change d'avis sous
l'influence de cette suggestion, dans le rapport de 65 p. 100, et les
eleves de plus de quinz
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