irie.)]
Quoi qu'il en soit des causes, c'est un fait que la pensee du
XVIIIe siecle n'a ete aucunement tournee vers l'idee de patrie, que
l'indifference des penseurs et des lettres a l'endroit de la grandeur
du pays est prodigieuse en ce temps-la, et que la langue seule qu'ils
ecrivent rappelle le pays dont ils sont. Cela, meme au point de
vue purement litteraire, n'aura pas, nous le verrons, de petites
consequences.
La disparition de l'idee chretienne a des causes plus multiples
peut-etre et plus confuses. La principale est tres probablement ce qu'on
appelle "l'esprit scientifique", qui existait a peine au XVIIe siecle,
et qui date, decidement, en France, de 1700. La "philosophie" du XVIIIe
siecle n'est pas autre chose, et quand les auteurs de ce temps disent
"esprit philosophique", c'est toujours esprit scientifique qu'il
faut entendre. Le XVIIe siecle avait ete peu favorable a l'esprit
scientifique, et meme l'avait dedaigne. Il etait mathematicien et
"geometre", non scientifique a proprement parler. Il etait mathematicien
et geometre, c'est-a-dire aimait la science purement _intellectuelle_
encore, et que l'esprit seul suffit a faire; il n'aimait point la
science realiste, qui a besoin des choses pour se constituer, et qui se
fait, avant tout, de l'observation des choses reelles. "_Les hommes ne
sont pas faits pour considerer des moucherons_, disait Malebranche, _et
l'on n'approuve point la peine que quelques personnes se sont donnee
de nous apprendre comment sont faits certains insectes, et la
transformation des vers, etc... Il est permis de s'amuser a cela quand
on n'a rien a faire et pour se divertir_."--Pour les esprits les plus
philosophiques et les plus austeres, de telles occupations n'etaient
pas meme un "divertissement permis". C'etaient une forme de la
concupiscence, _libido sciendi, libido oculorum_, un veritable peche, et
une subtile et funeste tentation; c'etait, pour parler comme Jansenius,
une "_curiosite toujours inquiete, que l'on a palliee du nom de science.
De la est venue la recherche des secrets de la nature qui ne nous
regardent point, qu'il est inutile de connaitre, et que les hommes ne
veulent savoir que pour les savoir seulement_."--Litterature, art,
philosophie, metaphysique, theologie, science mathematique et tout
intellectuelle, voila les differentes directions de l'esprit francais au
XVIIe siecle.
Mais, vers la fin de cet age, par les recits des voyageurs, par la
medecine qui grand
|