ains, pheniciens, gaulois, americains et chinois
commence par des fables... Voila qui peut mener loin par voie de
consequences. Attendez! "... _excepte le peuple elu, chez qui un soin
particulier de la providence a conserve la verite_." Restriction pieuse
et precaution honnete, a laquelle ce n'est pourtant point la faute de
l'auteur si l'on trouve un air d'epigramme.--Et c'est ainsi, de l'air le
plus doux du monde, que Fontenelle nous amene a cette modeste conclusion
qui ne vise personne et n'est assurement qu'un conseil de haute
prudence: "Tous les hommes se ressemblent si fort qu'il n'y a point de
peuple dont les sottises ne nous doivent faire Trembler."
Fontenelle excelle a ces insinuations qui ont besoin de la complicite du
lecteur, qui comptent sur elle et s'en assurent sans l'exciter. Il est
l'homme dont parle La Bruyere, qui ne medit point, qui n'articule aucun
grief, qui se tait presque avant d'avoir parle. "Et il a raison: il en
a assez dit."--Meme art, avec un peu plus d'insistance et une malice un
peu plus appuyee dans les _Oracles_. On saura que ce livre est inspire
par le zele chretien le plus pur, et par une horreur pour le paganisme
que certains chretiens ont eu l'imprudence de ne pas pousser aussi loin
que Fontenelle. Ils ont cru qu'ils pouvaient tirer avantage de deux
choses: de ce que certains oracles paiens avaient annonce l'avenement du
christianisme, et de ce que, le Christ venu, les oracles avaient cesse.
De ces deux choses la seconde est fausse, les oracles ayant continue de
sevir, quoique avec moins de vehemence, pendant quatre cents ans apres
Jesus; et la premiere blesse infiniment l'auteur qui n'aime pas que les
verites de la foi aient un appui dans les instruments de l'idolatrie.
Les chretiens, flattes d'etre annonces par la bouche meme de leurs
ennemis, ont suppose que les oracles etaient inspires par les _demons_,
c'est-a-dire par les anges dechus, a qui Dieu a permis de dire
quelquefois la verite. C'est une erreur. Mille exemples prouvent que
les oracles n'etaient qu'une jonglerie assez grossiere, et Fontenelle
enumere religieusement tous ces ridicules artifices, dans le dessein de
montrer, non pas tant, soyez-en surs, qu'une des preuves au moins dont
se soutient le christianisme est ruineuse, et que parmi les propheties,
celles qui sont d'origine paienne sont vaines et ridicules, que de
prouver combien le paganisme est abominable. 11 n'y a rien d'edifiant au
monde comme ce petit livre.
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