t commence
encore. Bayle en est a un rationalisme tout negateur, tout infecond,
et tout convaincu de sa sterilite. Il est du temps de Fontenelle, et
Fontenelle a continue sa tradition. Trente ans plus tard, Fontenelle
dira: "Je suis effraye de la conviction qui regne autour de moi." C'est
tout a fait un mot de Bayle. Il l'aurait dit avec plus de chagrin meme
que Fontenelle, et personne n'aurait pu lui persuader que gens si
convaincus fussent ses disciples, encore qu'il y eut bien quelque chose
de cela.
III
LE "DICTIONNAIRE" LU DE NOS JOURS
A le lire maintenant pour notre plaisir, et sans chercher autrement
a marquer sa place et a determiner son influence, il est agreable
et profitable. Il est tres savant, d'une science sure, et qui va
scrupuleusement aux sources, et d'une science qui n'est ni hautaine, ni
herissee, ni outrageante. Figurez-vous qu'il n'injurie pas ceux qu'il
corrige. Tres modeste en son dessein, il n'avait, en commencant, que
l'intention de faire un dictionnaire rectificatif, un dictionnaire des
fautes des autres dictionnaires, et il a toujours poursuivi ce projet,
tout en l'agrandissant. Et, nonobstant ce role, il es tres indulgent
et aimable. Il manque rarement de commencer ainsi son chapitre
rectificatif: "'ai peu de fautes a relever dans Moreri..." sur quoi il
en releve une vingtaine; mais voila au moins qui est poli.
Son livre est mal compose; il est eminemment disproportionne. La
longueur des chapitres ne depend pas de l'importance de l'homme ou de
la question qui en fait le sujet; elle depend de la quantite de notes
qu'avait sur ce sujet M. Bayle. Des inconnus, dont tout ce que Bayle
ecrit sur eux ne sert qu'a demontrer qu'ils etaient dignes de l'etre
et de rester tels, s'etalent comme insolemment sur de nombreuses pages
enormes. Des gloires sont etouffees dans un paragraphe insignifiant.
D'Assouci tient dix fois plus de place que Dante. C'est que Bayle est
sceptique si a fond qu'il l'est jusque dans ses habitudes de travail.
Il est si indifferent qu'il s'interesse egalement a toutes choses; et
Aristote ou Perkins, c'est tout un pour lui. L'un n'est autre chose
qu'une curiosite a satisfaire et une rechercher a poursuivre--et l'autre
aussi. Personne n'a ete comme Bayle amoureux de la verite pour la
verite, sans songer a voir ou a mettre entre les verites des degres
d'importance. Il en resulte, sauf une petite reserve que nous ferons
plus tard, que son livre va un peu au hasard, comme i
|