esse, deja tres brillante, de l'age scientifique le plus grand et
le plus fecond qu'ait encore vu l'humanite.
Force de l'etudier surtout au point de vue litteraire, j'etais en
mauvaise situation pour bien servir ses interets. Je l'ai considere avec
application, et retrace avec sincerite, sans plus de rigueur, je crois,
que de complaisance.
J'avertis, comme toujours, les jeunes gens qu'ils doivent lire les
auteurs plutot que les critiques, et ne voir dans les critiques que des
guides, des indicateurs, pour ainsi parler, des differents points de
vue ou l'on peut se placer en lisant les textes. Les auteurs du XVIIIe
siecle ayant presque tous beaucoup ecrit, j'ai indique, suffisamment, je
crois, pour chacun d'eux, les oeuvres essentielles qui permettent a la
rigueur de laisser les autres, mais qu'il faut qu'un homme d'instruction
moyenne ait lues de ses yeux.
On consultera aussi, avec fruit, et a coup sur avec plus d'interet que
le mien, les ouvrages de critique qu'il est de mon devoir de mentionner
ici. C'est d'abord le livre de Villemain, encore tres bon, tres nourri
et tres judicieux, et plein d'apercus sur les litteratures etrangeres,
tres utiles a l'intelligence de la notre. C'est ensuite le cours sur la
_Litterature francaise au XVIIIe siecle_, du sagace, profond et si
pur Vinet. C'est encore le _Diderot_ du regrette Edmond Scherer; le
_Marivaux_ si complet et si agreable en meme temps de M. Larroumet;
l'admirable _Montesquieu_ de M. Albert Sorel; sans prejudice du bon
livre, plus scolaire, de M. Edgard Zevort sur le meme sujet; les
differents articles de M. Ferdinand Brunetiere, et particulierement
ses _Le Sage, Marivaux, Prevost, Voltaire et Rousseau_, dans le volume
intitule _Etudes critiques sur l'histoire de la litterature francaise_
(troisieme serie).--J'ai profite de ces maitres, dont je suis fier que
quelques-uns soient mes amis. Je ne souhaiterais que n'etre pas trop
indigne d'eux.
Janvier 1890.
E. F.
DIX-HUITIEME SIECLE
PIERRE BAYLE
I
BAYLE NOVATEUR
Il est convenu que le _Dictionnaire_ de Bayle est la Bible du XVIIIe
siecle, que Pierre Bayle est le capitaine d'avant-garde des philosophes,
et cela, encore que generalement admis, n'est pas trop faux; cela est
meme vrai; seulement il faut savoir que jamais eclaireur n'a moins
ressemble a ceux de son armee, et que, s'il les eut connus, il n'est
personne au monde, non pas meme les jesuites et les dragons de Villars,
qu'il eut, j
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