'esprit antique
_et meme s'en penetrer mieux que le XVIIe siecle_, qui, apres tout,
s'est beaucoup plus inspire des Latins que des Grecs, maintenir ainsi et
prolonger l'esprit classique francais qui n'avait pas dit son dernier
mot, et le revivifier d'une nouvelle seve.
Et il pouvait, decidement novateur, avec du genie, creer, a ses risques
et perils, ce qui est toujours le mieux, une litterature toute nationale
et toute autonome.
Il n'a fait ni l'un ni l'autre. Il a commence par etre novateur sterile;
puis il a ete traditionnel timide, cauteleux, servile, traditionnel par
_petite imitation_, traditionnel par contrefacon.
Il a commence par etre novateur. Il etait naturel qu'il le fut en
litterature comme en tout le reste et qu'il repoussat la tradition
litteraire comme toutes les autres. C'est ce qu'il fit. Fontenelle,
Lamotte, Montesquieu, Marivaux sont en litterature les representants
d'une reaction presque violente contre l'esprit classique francais en
general, et le XVIIIe siecle en particulier. Ils sont "modernes", et
irrespectueux autant de l'antiquite classique que de l'ecole litteraire
de 1660. Et cela est permis; ce qui ne l'etait point, c'etait d'etre
novateur par simple negation, et sans avoir rien a mettre a la place de
ce qu'on pretendait proscrire. Les novateurs de 1715 ne sont guere que
des insurges. Ils meprisent la poesie classique, mais ils meprisent
toute la poesie; ils meprisent la haute litterature classique, mais
ils meprisent a peu pres toute la haute litterature. Si, comme font
d'ordinaire les nouvelles ecoles litteraires, ils songeaient a se
chercher des ancetres par dela leurs predecesseurs immediats qu'ils
attaquent, ils remonteraient a Benserade et a Furetiere. Esprit precieux
et realisme superficiel, voila leurs deux caracteres. "Roman bourgeois"
avec le _Gil Blas_, comedie romanesque et spirituellement entortillee
avec les _Fausses Confidences_, croquis vifs et humoristiques de
la ville, sans la profondeur meme de La Bruyere, avec les _Lettres
Persanes_, eglogues fades et pretentieuses, fables elegantes et
malicieuses sans un grain de poesie, voila ce que font les plus grands
d'entre eux. Cette premiere ecole, malgre un bon roman de mauvaises
moeurs, deux ou trois jolies comedies et un brillant pamphlet, sent
singulierement l'impuissance, et n'est pas la promesse d'un grand
siecle.
Le siecle tourna, brusquement, fit volte-face, non pas tout entier, nous
le verrons, mais en majorite,
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