e procede du dialogue, quand
l'ecrivain y est si scrupuleusement fidele, est impatientant. Je
souhaiterais que l'auteur s'adressat enfin a moi-meme; je suis fatigue
de l'ecouter ainsi comme de profil; je me sens en tiers dans une
conversation, et je crains d'etre genant. Le plus simple, le plus
naturel et le plus poli dans un livre destine au public, est encore de
lui parler.
[Note 15: Nouvelles de la Republique des Lettres.]
[Note 16: _Pluralite_, Preface.]
Sauf ces reserves, qui sont legeres, ce livre est de grand merite. Pour
la premiere fois Fontenelle y montre un certain sens du grand. Il l'a
comme malgre lui, il est vrai; car a chaque moment il fait effort pour
abaisser le sujet ou en faire oublier la majeste par les finesses et les
petites graces dont il l'accompagne. Mais le sujet prend sa revanche et
quelquefois l'entraine. La description de la Lune, de Venus, surtout de
Saturne, ne sont pas sans une certaine poesie contenue, et que l'auteur
s'obstine a contenir, mais qui eclate. C'est un passage presque eloquent
que celui ou la rotation de la terre inspire a l'auteur ce tableau
mouvant, glissant devant nos yeux, des differents peuples humains. En
ce meme point de l'espace ou Fontenelle cause avec une grande dame, au
milieu d'un parc, la Normandie va passer, puis une grande nappe d'eau,
puis des Anglais qui causent politique, puis une mer immense, puis des
Iroquois, puis la Terre de Jesso; et voila cent aspects divers: ici ce
sont des chapeaux, la des turbans, et puis des tetes chevelues, et puis
des tetes rases; et tantot des villes a clocher, tantot des villes a
longues aiguilles qui ont des croissants, et des villes a tours de
porcelaine, et de grands pays qui ne montrent que des cabanes... Elle
est charmante cette page. Elle le serait plus encore, si l'on ne sentait
que l'auteur se contient, s'observe, se premunit contre l'eloquence par
le soin de badiner. Mon Dieu! qu'il a peur d'etre pittoresque! Et il l'a
ete, malgre lui: c'est sa punition.
Et prenez garde. Elle va tres loin, sans affectation, ou avec
l'affectation d'un enjouement inoffensif, cette petite lecon de
cosmographie. Il est bon apotre encore avec sa precaution de dire qu'il
met dans les mondes qui ne sont pas la terre des habitants qui ne sont
pas des hommes. C'est precisement cela qui forme une difficulte nouvelle
dont la philosophie libre penseuse va s'emparer. Des habitants
dans toutes les planetes?--Tres probablement.--Semblables a
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