l croyait qu'allait
le monde. Il ne semble pas qu'il y ait beaucoup de providence ni
beaucoup de finalite dans cet ouvrage.
Ce dictionnaire devrait s'intituler: ce que savait M. Bayle. Ce qu'il
savait, c'etait la mythologie, l'histoire et la geographie ancienne,
l'histoire des religions (tres bien, admirablement pour le temps), la
theologie proprement dite, la philosophie, l'histoire europeenne du
XVIe et du XVIIe siecle.--Ce qu'il savait moins et ce qu'il aimait peu,
c'etait la litterature, la poesie, l'histoire du moyen age.--Ce qu'il
ne savait pas du tout, c'etaient les sciences. Ce qu'on trouve dans ce
dictionnaire, c'est donc une histoire a peu pres complete, et souvent
d'un detail infini et tres amusant, de l'Europe et surtout de la
France de 1500 a 1700, une mythologie interessante, des particularites
d'histoire ancienne, et presque une histoire complete du developpement
du christianisme, et presque une histoire complete des philosophies; et
ni Voltaire, quand il travaille a son _Dictionnaire philosophique_,
ni Diderot quand il travaille a la partie philosophique de
l'_Encyclopedie_, n'ignorent ces deux derniers points.
Le tresor est donc beau, si les lacunes sont considerables. Quelque
chose est plus desobligeant que les lacunes: ce sont les commerages et
les obscenites. Le mepris bienveillant de Bayle pour les hommes et la
conviction ou il est qu'ils ne liraient point un livre ou il n'y aurait
ni polissonneries ni propos de concierge, ne suffit vraiment pas a
excuser l'auteur. Nous savons lire, et nous ne prenons pas le change sur
ces choses. Il est parfaitement clair que Bayle se plait personnellement
et bien pour son compte a ces recits ridicules, ou scabreux. Il goute
ces plaisirs secrets de petite curiosite malsaine qui sont le peche
ordinaire, sauf exceptions, Dieu merci, des vieux savants solitaires et
confines. Il lui manque d'etre homme du monde. Il ne l'est ni par le bon
gout, ni par la discretion ou brievete dedaigneuse sur certains sujets,
ni par l'indifference a l'egard des choses qui sont la preoccupation
des collegiens et des marchandes de fruits. Il devait bavarder avec sa
gouvernante en prenant son repas du soir. Son livre, comme souvent ceux
de Sainte-Beuve, sent quelquefois l'antichambre et un peu l'office. Et
voyez le trait de ressemblance, et voyez aussi qu'il faut s'attendre a
la pareille: la principale question qui a inquiete Sainte-Beuve en son
article sur Bayle a ete de savoir si M. B
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