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etait le sien. La science moderne date du XVIIe siecle. Descartes,
Leibniz, Newton, coup sur coup, presque en meme temps, font aux yeux de
l'intelligence un monde nouveau, renouvellent la matiere des meditations
de l'esprit humain. Les litterateurs du XVIIe siecle sont trop de purs
artistes pour avoir tendu l'oreille de ce cote, et pourtant, comme ils
sont moralistes, tres prompts a observer les changements des gouts, ils
n'ont pas ete sans s'apercevoir de cet etat nouveau des esprits et de
son influence au moins sur les moeurs. Descartes inquiete La Fontaine,
l'astrolabe de madame de la Sabliere preoccupe Boileau, et Moliere fait
une place, d'avance, a madame du Chatelet ou a la "marquise" de
la _Pluralite des mondes_ dans son salon, agrandi desormais, des
Precieuses.--Au commencement du XVIIIe siecle, ce mouvement s'accuse de
plus en plus. Fontenelle y prit garde de tres bonne heure. Il n'etait
pas plus lettre, de vocation, que savant. Il etait intelligent et
curieux. Il s'occupa de sciences comme de pastorales. Seulement les
sciences avaient plus de raisons de l'attirer. Elles etaient chose de
mode, et il etait homme a suivre la mode, comme tous ceux qui n'ont
pas une forte originalite. Surtout elles etaient chose que l'antiquite
n'avait point connue, et c'etait le point sensible de Fontenelle. Les
sciences ont ete d'abord pour lui un element essentiel de la querelle
des anciens et des modernes. S'il est une idee a laquelle tient un peu
cet homme qui ne tenait a rien, c'est que l'on n'a pas dit grand'chose
de bon avant lui, ou, sinon avant lui (car il est de bon ton et, meme
en le pensant un peu, ne le dirait point), avant le temps ou il a eu
l'honneur de naitre. Il n'a pas le sens de l'admiration, ni le respect
de la tradition, et "le prejuge grossier de l'antiquite" n'est point son
fait. Il est "homme de progres." Dans l'idee du progres il y a de tres
bons sentiments, et toujours aussi une tres notable partie de fatuite.
Tout au fond du Fontenelle savant et ami des sciences, personnage tres
respectable, en cherchant bien, en cherchant trop, on trouverait encore
un peu de Cydias. Voyez-le dans ses premiers ouvrages, les _Dialogues
des morts_, par exemple. Sa malice, et elle est piquante, est toute en
paradoxes, et en adresses legeres a taquiner les opinions recues. Elle
consiste a prouver combien Phryne est incomparablement superieure a
Alexandre, autant que les conquetes pacifiques l'emportent sur les
conquetes me
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