s, les grands
orateurs, et meme les grands critiques.--Soit, et de grande poesie, et
de lyrisme, et de Lucrece non plus que d'Homere, qu'il ne soit plus
question. Mais quand les enthousiastes s'eloignent, les realistes
arrivent. C'est une loi d'histoire litteraire en effet, et nous verrons
qu'au XVIIIe siecle elle s'est verifiee. Mais rien ne montre a
quel point Fontenelle, en choses d'art, etait un arriere et non
un precurseur, comme ceci qu'il a ete encore moins realiste
qu'enthousiaste. Il a tout une theorie sur l'Eglogue[14]. C'est la qu'il
trouve Virgile tour a tour trop vulgaire et trop noble. Admettons. Que
faut-il donc etre dans les Bergeries? Il faut sans doute etre vrai, nous
montrer cette poesie, plus humble, moins ambitieuse que l'autre, qui est
dans le travail de l'homme, dans son rude et patient effort, dans ses
joies simples et naives. L'inquietude du patre pour ses chevres, du
laboureur pour ses boeufs ou ses bles qui poussent; et aussi
les vignerons attables, les moissonneurs buvant a la derniere
gerbe...--Nullement. "La poesie pastorale n'a pas grand charme si elle
ne roule que sur les choses de la campagne. Entendre parler de brebis et
de chevres, cela n'a rien par soi-meme qui puisse plaire."--Qu'est-ce
donc qui plaira, et qu'est-ce qui fait la poesie des hommes des champs?
--Pour Fontenelle c'est leur oisivete. Les hommes aiment a ne rien
faire; ils "veulent etre heureux, et voudraient l'etre a peu de frais".
La tranquillite des campagnards, voila le fond du charme des eglogues,
et c'est pour cela que les poetes ont choisi pour heros de ces ouvrages,
non les laboureurs qui travaillent peniblement, ou les pecheurs qui
peinent si fort; mais les bergers, qui ne font rien.--C'est bien cela.
L'_Astree_, et non les _Georgiques_. A defaut de la poesie qui est
l'expression des plus beaux reves de l'homme, Fontenelle ne comprend
pas meme celle qui est l'expression de sa vie reelle dans la simplicite
touchante de ses douleurs et de ses joies, et plus que le Silene
de Virgile, il ne gouterait les paysans de La Fontaine.--Que lui
reste-t-il? Rien, absolument rien. Et c'est bien pour cela qu'il ne sent
point l'antiquite, qui, precisement, a, tour a tour, ouvert ces deux
sources eternelles de poesie. A la verite, s'il a persiste dans cette
erreur de jugement, il ne s'est point entete dans l'erreur plus forte
qui consistait, n'entendant rien a la poesie, a en faire. Il etait tres
souple, et quoique vain, tres avise
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