urtrieres; a montrer Socrate s'inclinant devant la sagesse
de Montaigne, etc. Ce n'est point seulement un jeu. Fontanelle n'aime
point les idees traditionnelles. Elles ont d'abord le tort de n'etre
plus spirituelles, ensuite celui de supposer que nos peres etaient aussi
habiles que nous. Tres doucement, en homme du monde, il a continue
pendant quelque temps cette petite guerre, qui etait le prelude de la
guerre de Cent Ans du XVIIIe siecle. Le christianisme, par exemple, sans
le gener, car qu'est-ce qui pouvait gener cet homme si souple et qui
glissait dans toute etreinte? l'importunait quelque peu. C'est que
le christianisme aussi est une antiquite, sans compter qu'il est
un sentiment. Il l'a attaque obliquement, et, du premier coup, en
strategiste consomme. Sous couleur d'attaquer les erreurs de l'antiquite
paienne, il fait deux petits traites, l'un sur "_l'Origine des fables_",
l'autre sur "_les Oracles_", qui sont de petits chefs-d'oeuvre de malice
tranquille et grave, et de scepticisme a la fois discret et contagieux.
Il y laisse tomber comme par megarde quelques gouttes d'une essence
subtile qui, destinees a detruire les prejuges antiques, doivent
d'elles-memes se repandre dans les esprits a la perte de toute croyance.
Le procede est habile, l'adresse legere, l'art tres delicat. Les fables
ne sont point l'effet d'un artifice et d'une tromperie grossiere. Il ne
serait pas bon qu'on le crut: on aurait confiance quand a l'origine des
croyances on ne verrait pas de thaumaturge. Elles sont des produits
naturels de l'ignorance aidee de l'imagination. Tous les peuples,
en leur age grossier, en ont eu, qui, peu a peu, se sont parees des
prestiges de l'art, et, parfois, recommandees de quelques considerations
morales. Il ne faut pas les detester, il faut s'en debarrasser doucement
par l'efficace de la raison. Car nous avons les notres, moins ridicules
que celles des anciens, mais que le temps nous fait cherir comme eux les
leurs. "Nous savons aussi bien qu'eux etendre et conserver nos erreurs,
mais heureusement elles ne sont pas si grandes, _parce que nous sommes
eclaires des lumieres de la vraie religion et, a ce que je crois, des
rayons de la vraie philosophie_."--Il n'a pas dit quelles etaient ces
erreurs; il compte, pour en avoir raison, et sur la religion et sur la
philosophie, et il n'y a rien de plus innocent que ces remarques, ni
de plus orthodoxe.--Faites bien attention que l'histoire de tous les
peuples, grecs, rom
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