meme pour ecouter aux portes.
Le notaire reprit:
--Avez-vous connu a Paris un certain M. Marechal, Leon Marechal?
M. et Mme Roland pousserent la meme exclamation: Je crois bien!
--C'etait un de vos amis?
Roland declara:
--Le meilleur, Monsieur, mais un Parisien enrage; il ne quitte pas le
boulevard. Il est chef de bureau aux finances. Je ne l'ai plus revu
depuis mon depart de la capitale. Et puis nous avons cesse de nous
ecrire. Vous savez, quand on vit loin l'un de l'autre....
Le notaire reprit gravement:
--M. Marechal est decede!
L'homme et la femme eurent ensemble ce petit mouvement de surprise
triste, feint ou vrai, mais toujours prompt, dont on accueille ces
nouvelles.
M. Lecanu continua:
--Mon confrere de Paris vient de me communiquer la principale
disposition de son testament par laquelle il institue votre fils Jean,
M. Jean Roland, son legataire universel.
L'etonnement fut si grand qu'on ne trouvait pas un mot a dire.
Mme Roland, la premiere, dominant son emotion, balbutia:
--Mon Dieu, ce pauvre Leon ... notre pauvre ami ... mon Dieu ... mon
Dieu ... mort!...
Des larmes apparurent dans ses yeux, ces larmes silencieuses des femmes,
gouttes de chagrin venues de l'ame qui coulent sur les joues et semblent
si douloureuses, etant si claires.
Mais Roland songeait moins a la tristesse de cette perte qu'a
l'esperance annoncee. Il n'osait cependant interroger tout de suite sur
les clauses de ce testament, et sur le chiffre de la fortune; et il
demanda, pour arriver a la question interessante:
--De quoi est-il mort, ce pauvre Marechal?
M. Lecanu l'ignorait parfaitement.
--Je sais seulement, disait-il, que, decede sans heritiers directs, il
laisse toute sa fortune, une vingtaine de mille francs de rentes en
obligations trois pour cent, a votre second fils, qu'il a vu naitre,
grandir, et qu'il juge digne de ce legs. A defaut d'acceptation de la
part de M. Jean, l'heritage irait aux enfants abandonnes.
Le pere Roland deja ne pouvait plus dissimuler sa joie et il s'ecria:
--Sacristi! voila une bonne pensee du coeur. Moi, si je n'avais pas eu
de descendant, je ne l'aurais certainement point oublie non plus, ce
brave ami!
Le notaire souriait:
--J'ai ete bien aise, dit-il, de vous annoncer moi-meme la chose. Ca
fait toujours plaisir d'apporter aux gens une bonne nouvelle.
Il n'avait point du tout songe que cette bonne nouvelle etait la mort
d'un ami, du meilleur ami du pere
|