"oh!," les uns disant: "Je m'en doutais..." Les autres: "Ca
n'est pas possible..."
"Permettez, ajouta Francis, ancien trompette au 9e lanciers, le regiment
de Mora et de Monpavon, permettez... Il y a une vingtaine d'annees, a
mon dernier semestre, j'ai ete caserne a l'Ecole militaire, et je me
rappelle tres bien qu'il y avait pres de la barriere un sale bastringue
appele le bal Jansoulet avec un petit garni au dessus et des chambres a
cinq sous l'heure ou l'on passait entre deux contredanses...
--Vous etes un infame menteur, dit M. Noel hors de lui, filou et menteur
comme votre maitre, Jansoulet n'est jamais venu a Paris avant cette
fois."
Francis etait assis un peu en dehors du cercle que nous faisions tous
autour de la "marquise," en train de siroter quelque chose de doux parce
que le champagne lui fait mal aux nerfs et puis que ce n'est pas une
boisson assez chic. Il se leva gravement, sans quitter son verre, et,
s'avancant vers M. Noel, il lui dit d'un air pose:
"Vous manquez de tenue, mon cher. Deja l'autre soir, chez vous, j'ai
trouve votre ton grossier et malseant. Cela ne sert a rien d'insulter
les gens, d'autant que je suis prevot de salle, et que, si nous menions
les choses plus loin, je pourrais vous fourrer deux pouces de fer dans
le corps a l'endroit qu'il me plairait; mais je suis bon garcon. Au lieu
d'un coup d'epee, j'aime mieux vous donner un conseil dont votre maitre
pourra tirer profit. Voici ce que je ferais a votre place: j'irais
trouver Moessard et je l'acheterais sans marchander. Hemerlingue lui a
donne vingt mille francs pour parler, je lui en offrirais trente mille
pour se taire.
--Jamais... jamais..., vocifera M. Noel... J'irai plutot lui devisser la
tete a ce scelerat de bandit.
--Vous ne devisserez rien du tout. Que la calomnie soit vraie ou fausse,
vous en avez vu l'effet ce soir. C'est un echantillon des plaisirs qui
vous attendent. Que voulez-vous, mon cher? Vous avez jete trop tot
vos bequilles et pretendu marcher tout seuls. C'est bon quand on est
d'aplomb, ferme sur ses jambes; mais quand on n'a pas deja le pied tres
solide, et qu'on a le malheur de sentir Hemerlingue a ses trousses,
mauvaise affaire... Avec ca votre patron commence a manquer d'argent: il
a fait des billets au vieux Schwalbach, et ne me parlez pas d'un Nabab
qui fait des billets. Je sais bien que vous avez des tas de millions
restes la-bas; mais il faudrait etre valide pour y toucher, et encore
quelques art
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