gnan se retournant vers le valet, dites a
Son Eminence que dans une demi-heure je suis a ses ordres.
Le valet salua et sortit.
-- C'est bien heureux qu'il n'ait pas vu l'autre, reprit
d'Artagnan.
-- Tu crois donc qu'ils ne t'envoient pas chercher tous deux pour
la meme chose?
-- Je ne le crois pas, j'en suis sur.
-- Allons, allons, d'Artagnan, alerte! Songe que la reine
t'attend; apres la reine, le cardinal; et apres le cardinal, moi.
D'Artagnan rappela le valet d'Anne d'Autriche.
-- Me voila, mon ami, dit-il, conduisez-moi.
Le valet le conduisit par la rue des Petits-Champs, et, tournant a
gauche, le fit entrer par la petite porte du jardin qui donnait
sur la rue Richelieu, puis on gagna un escalier derobe, et
d'Artagnan fut introduit dans l'oratoire.
Une certaine emotion dont il ne pouvait se rendre compte faisait
battre le coeur du lieutenant; il n'avait plus la confiance de la
jeunesse, et l'experience lui avait appris toute la gravite des
evenements passes. Il savait ce que c'etait que la noblesse des
princes et la majeste des rois, il s'etait habitue a classer sa
mediocrite apres les illustrations de la fortune et de la
naissance. Jadis il eut aborde Anne d'Autriche en jeune homme qui
salue une femme. Aujourd'hui c'etait autre chose: il se rendait
pres d'elle comme un humble soldat pres d'un illustre chef.
Un leger bruit troubla le silence de l'oratoire. D'Artagnan
tressaillit et vit une blanche main soulever la tapisserie, et a
sa forme, a sa blancheur, a sa beaute, il reconnut cette main
royale qu'un jour on lui avait donnee a baiser.
La reine entra.
-- C'est vous, monsieur d'Artagnan, dit-elle en arretant sur
l'officier un regard plein d'affectueuse melancolie, c'est vous et
je vous reconnais bien. Regardez-moi a votre tour, je suis la
reine; me reconnaissez-vous?
-- Non, Madame, repondit d'Artagnan.
-- Mais ne savez-vous donc plus, continua Anne d'Autriche avec cet
accent delicieux qu'elle savait, lorsqu'elle le voulait, donner a
sa voix, que la reine a eu besoin d'un jeune cavalier brave et
devoue, qu'elle a trouve ce cavalier, et que, quoiqu'il ait pu
croire qu'elle l'avait oublie, elle lui a garde une place au fond
de son coeur?
-- Non, Madame, j'ignore cela, dit le mousquetaire.
-- Tant pis, monsieur, dit Anne d'Autriche, tant pis, pour la
reine du moins, car la reine aujourd'hui a besoin de ce meme
courage et de ce meme devouement.
-- Eh quoi! dit d'Artagnan, la r
|