messieurs le font, et que c'est
l'habitude de ce regiment de se mettre en haie sur le passage du
roi?
Friquet contrefit l'etonne, et tournant son bonnet neuf entre ses
doigts:
-- Ce n'est pas etonnant que vous le sachiez, dit-il, vous,
monsieur Broussel, qui savez tout; mais moi, en verite du bon
Dieu, je ne le savais pas, et j'ai cru vous donner un bon avis. Il
ne faut pas m'en vouloir pour cela, monsieur Broussel.
-- Au contraire, mon garcon, au contraire, et ton zele me plait.
Dame Nanette, voyez donc un peu a ces abricots que madame de
Longueville nous a envoyes hier de Noisy; et donnez-en donc une
demi-douzaine a votre fils avec un crouton de pain tendre.
-- Ah! merci, monsieur Broussel, dit Friquet; merci, j'aime
justement beaucoup les abricots.
Broussel alors passa chez sa femme et demanda son dejeuner. Il
etait neuf heures et demie. Le conseiller se mit a la fenetre. La
rue etait completement deserte, mais au loin on entendait, comme
le bruit d'une maree qui monte, l'immense mugissement des ondes
populaires qui grossissaient deja autour de Notre-Dame.
Ce bruit redoubla lorsque d'Artagnan vint avec une compagnie de
mousquetaires se poser aux portes de Notre-Dame pour faire faire
le service de l'eglise. Il avait dit a Porthos de profiter de
l'occasion pour voir la ceremonie, et Porthos, en grande tenue,
monta sur son plus beau cheval, faisant le mousquetaire honoraire,
comme jadis si souvent d'Artagnan l'avait fait. Le sergent de
cette compagnie, vieux soldat des guerres d'Espagne, avait reconnu
Porthos, son ancien compagnon, et bientot il avait mis au courant
chacun de ceux qui servaient sous ses ordres des hauts faits de ce
geant, l'honneur des anciens mousquetaires de Treville. Porthos
non seulement avait ete bien accueilli dans la compagnie mais
encore il y etait regarde avec admiration.
A dix heures, le canon du Louvre annonca la sortie du roi. Un
mouvement pareil a celui des arbres dont un vent d'orage courbe et
tourmente les cimes courut dans la multitude, qui s'agita derriere
les mousquets immobiles des gardes. Enfin le roi parut avec la
reine dans un carrosse tout dore. Dix autres carrosses suivaient,
renfermant les dames d'honneur, les officiers de la maison royale
et toute la cour.
-- Vive le roi! cria-t-on de toutes parts.
Le jeune roi mit gravement la tete a la portiere, fit une petite
mine assez reconnaissante, et salua meme legerement, ce qui fit
redoubler les cris de la multi
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