gnore mon depart; veillez sur lui
en mon absence du mieux qu'il vous sera possible, et si par hasard
vous n'avez pas de mes nouvelles d'ici a trois mois, dites-lui
qu'il ouvre un paquet cachete a son adresse, qu'il trouvera a
Blois dans ma cassette de bronze, dont je vous envoie la clef.
"Embrassez Porthos pour Aramis et pour moi. Au revoir, peut-etre
adieu."
Et il fit porter la lettre par Blaisois.
A l'heure convenue, Aramis arriva: il etait en cavalier et avait
au cote cette ancienne epee qu'il avait tiree si souvent et qu'il
etait plus que jamais pret a tirer.
-- Ah ca! dit-il, je crois que decidement nous avons tort de
partir ainsi, sans laisser un petit mot d'adieu a Porthos et a
d'Artagnan.
-- C'est chose faite, cher ami, dit Athos, et j'y ai pourvu; je
les ai embrasses tous deux pour vous et pour moi.
-- Vous etes un homme admirable, mon cher comte, dit Aramis, et
vous pensez a tout.
-- Eh bien! avez-vous pris votre parti de ce voyage?
-- Tout a fait; et maintenant que j'y ai reflechi, je suis aise de
quitter Paris en ce moment.
-- Et moi aussi, repondit Athos; seulement je regrette de ne pas
avoir embrasse d'Artagnan, mais le demon est si fin qu'il eut
devine nos projets.
A la fin du souper, Blaisois rentra.
-- Monsieur, voila la reponse de M. d'Artagnan.
-- Mais je ne t'ai pas dit qu'il y eut reponse, imbecile! dit
Athos.
-- Aussi etais-je parti sans l'attendre, mais il m'a fait rappeler
et il m'a donne ceci.
Et il presenta un petit sac de peau tout arrondi et tout sonnant.
Athos l'ouvrit et commenca par en tirer un petit billet concu en
ces termes:
"Mon cher comte,
"Quand on voyage, et surtout pour trois mois, on n'a jamais assez
d'argent; or, je me rappelle nos temps de detresse, et je vous
envoie la moitie de ma bourse: c'est de l'argent que je suis
parvenu a faire suer au Mazarin. N'en faites donc pas un trop
mauvais usage, je vous en supplie.
"Quant a ce qui est de ne plus vous revoir, je n'en crois pas un
mot; quand on a votre coeur et votre epee, on passe-partout.
"Au revoir donc, et pas adieu.
"Il va sans dire que du jour ou j'ai vu Raoul je l'ai aime comme
mon enfant; cependant croyez que je demande bien sincerement a
Dieu de ne pas devenir son pere, quoique je fusse fier d'un fils
comme lui.
"VOTRE D'ARTAGNAN."
"_P.-S_. -- Bien entendu que les cinquante louis que je vous
envoie sont a vous comme a Aramis, a Aramis comme a vous."
Athos sourit, e
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