rendre son genie, et le rendre
dans un style qui a toutes les qualites de son modele. Pour notre part,
nous ne parcourons jamais son admirable traduction sans regretter
vivement qu'il n'ait pas assez vecu pour achever toute sa tache.
La voie ouverte avec tant d'eclat par l'auteur des _Fleurs du Mal_
ne pouvait manquer de tenter apres lui bien des amateurs du genie
si original et si singulier que la France avait adopte avec tant de
curiosite et d'enthousiasme. A mesure que de nouveaux Contes de Poe
paraissaient, ils etaient avidement lus et traduits. Quelques-uns meme
osaient, sous pretexte d'une litteralite trop scrupuleuse, refaire
certaines parties de l'oeuvre de Baudelaire. C'est ainsi que parurent
tour a tour les _Contes inedits_, traduits par William Hughes (1862),
les _Contes grotesques_, traduits par Emile Hennequin (1882), et les
_Oeuvres choisies_, retraduites apres Baudelaire par Ernest Guillemot
(1884).
Les _Contes et Essais_ de Poe, dont nous publions aujourd'hui la
traduction, sont a peu pres inedits pour le lecteur francais. Si nous
nous sommes permis d'en reproduire deux: _L'inhumation prematuree_ et
_Bon-Bon_, deja excellemment traduits par M. Hennequin, c'est que, de
son propre aveu du reste, il y a dans sa traduction des lacunes qui nous
ont paru assez importantes pour qu'on put regretter cette mutilation, et
la reparer au profit du lecteur.
Les morceaux critiques, tels que _La Cryptographie, le Principe
poetique_, que nous traduisons pour la premiere fois, completeront la
serie des _Essais_, si heureusement commencee par Baudelaire.
Cet Essai de Poetique, sous forme de Lecture, en nous revelant le Poe
improvisateur et conferencier, nous initie a l'originale et contestable
theorie qui lui tenait tant au coeur, et qu'il a essaye de mettre en
pratique dans un grand nombre de petites pieces dont quelques-unes, sans
compter _Le Corbeau_ si connu, peuvent rivaliser avec ce qu'il y a de
plus parfait en ce genre. L'exposition de cette theorie nous a valu
l'Anthologie la plus exquise, la plus rare, qu'un dilettante aussi
delicat que Poe pouvait recueillir parmi les petits chefs-d'oeuvre de la
poesie Anglaise ou Americaine.
Pour que l'Oeuvre de Poe fut parfaitement connue, il resterait a
traduire ses _Essais et Critiques litteraires_ proprement dits, qui
renferment, avec des vues originales et profondes, tant de pages
etincelantes de bon sens, de verve malicieuse, de sagacite critique--et
forment a c
|