ai dine chez elle hier. Et toi, ou
dines-tu demain?
FAUSTINA.
Avec toi.
ASTOLPHE.
Tu crois?
FAUSTINA.
C'est une fantaisie que j'ai.
ASTOLPHE.
Moi, j'en ai une autre.
FAUSTINA.
Laquelle?
ASTOLPHE.
C'est de m'en aller a la campagne avec une creature charmante dont j'ai
fait la conquete ces jours-ci.
FAUSTINA.
Ah! ah! Eufemia, sans doute?
ASTOLPHE.
Fi donc!
FAUSTINA.
Celimene?
ASTOLPHE.
Ah bah!
FAUSTINA.
Francesca?
ASTOLPHE.
Grand merci!
FAUSTINA.
Mais qui donc? Je ne la connais pas.
ASTOLPHE.
Personne ne la connait encore ici. C'est une ingenue qui arrive de son
village. Belle comme les amours, timide comme une biche, sage et fidele
comme...
FAUSTINA.
Comme toi?
ASTOLPHE.
Oui, comme moi; et c'est beaucoup dire, car je suis a elle pour la vie.
FAUSTINA.
Je t'en felicite... Et nous la verrons ce soir, j'espere?
ASTOLPHE.
Je ne crois pas... Peut-etre cependant. (_A part_) Oh! la bonne idee!
(_Haut._) Oui, j'ai envie de la mener chez Ludovic. Ce brave artiste me
saura gre de lui montrer ce chef-d'oeuvre de la nature, et il voudra
faire tout de suite sa statue... Mais je n'y consentirai pas; je suis
jaloux de mon tresor.
FAUSTINA.
Prends garde que celui-la ne s'en aille comme ton argent s'en est alle.
En ce cas, adieu; je venais te proposer d'etre mon cavalier pour ce
soir. C'est un mauvais tour que je voulais jouer a Antonio. Mais puisque
tu as une dame, je vais trouver Menrique, qui fait des folies pour moi.
ASTOLPHE, _un peu emu_.
Menrique? (_Se remettant aussitot._) Tu ne saurais mieux faire. A
revoir, donc!
FAUSTINA, _a part, en sortant_.
Bah! il est plus ruine que jamais. Il aura engage le dernier morceau de
son patrimoine pour sa nouvelle passion. Dans huit jours, le seigneur
sera en prison et la fille dans la rue.
(_Elle sort._)
SCENE II.
ASTOLPHE, _seul_.
Avec Menrique! a qui j'ai eu la sottise d'avouer que j'avais pris
cette fille presque au serieux... Je n'aurais qu'un mot a dire pour la
retenir... (_Il va vers la porte, et revient._) Oh! non, pas de lachete.
Gabriel me mepriserait, et il aurait raison. Bon Gabriel! le charmant
caractere! l'aimable compagnon! comme il cede a tous mes caprices, lui
qui n'en a aucun, lui si sage, si pur! Il me voit sans humeur et sans
pedanterie continuer cette folle vie. Il ne me fait jamais de reproche,
et je n'ai qu'a manifester une fantaisie pour qu'aussitot
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