rave, que l'honneur de la famille serait compromis par la
moindre demarche hasardee, et que dans un cas semblable le prince est
capable de tout." Voila, mot pour mot, ce que m'a dit votre precepteur;
et il vous est sincerement devoue, monseigneur.
GABRIELLE.
Je le crois. Je ne negligerai pas cet avertissement. Maintenant, va te
reposer, mon bon Marc; tu en as bien besoin.
MARC.
Il est vrai! Peut-etre que, quand je me serai repose, je retrouverai
dans ma memoire encore quelque chose, quelque parole qui ne me revient
pas dans ce moment-ci. _(Il se retire. Gabrielle le rappelle.)_
GABRIELLE.
Ecoute, Marc: si mon mari t'interroge, aie bien soin de ne pas lui
parler de la nourrice...
MARC.
Oh! je n'ai garde, monseigneur!
GABRIELLE.
Perds donc l'habitude de m'appeler ainsi! Quand nous sommes ici et que
je porte ces vetements de femme, tout ce qui rappelle mon autre sexe
irrite Astolphe au dernier point.
MARC.
Eh! mon Dieu, je ne le sais que trop! Mais comment faire? Aussitot que
je prends l'habitude d'appeler votre seigneurie _madame_, voila que nous
partons pour Florence et qu'elle reprend ses habits d'homme. Alors j'ai
toujours le _madame_ sur les levres, et je ne commence a ne reprendre
l'habitude du _monseigneur_ que lorsque votre seigneurie reprend sa robe
et ses cornettes. _(Il sort.)_
SCENE III.
GABRIELLE.
Cette histoire de la nourrice est une calomnie. C'est une nouvelle ruse
de mon grand-pere pour m'indisposer contre Astolphe. Il aura paye cette
femme pour faire a mon pauvre Marc un pareil conte, bien certain que
Marc me le rapporterait. Oh! non, Astolphe, non, ce genre de torts, tu
ne l'auras jamais envers moi! C'est toi qui m'as empechee de demasquer
la supercherie qui me condamne a te frustrer publiquement des biens que
je te restitue en secret, et du titre auquel tu dedaignes de succeder.
C'est toi qui m'as defendu, avec toute l'autorite que donne un genereux
amour, de proclamer mon sexe et de renoncer aux droits usurpes que
l'erreur des lois me confere. Si tu avais eu le moindre regret de ces
choses, tu aurais eu la franchise de me le dire; car tu sais que, moi,
je n'en aurais eu aucun a te les ceder. Dans ce temps-la je ne pensais
pas qu'il te serait jamais possible de me faire souffrir. J'avais une
confiance aveugle, enthousiaste!... A present, j'avoue qu'il me serait
penible de renoncer a etre homme quand je veux; car je n'ai pas ete
longtemps heureuse sous cet autre asp
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