a
tous les maux? et pourvu que tu trouves dans le mien la force de subir
toutes les miseres attachees a notre situation...
ASTOLPHE.
Je puis tout supporter, excepte de te voir avilie et persecutee.
GABRIELLE.
Ces outrages ne m'atteignent pas. Vois-tu, Astolphe, lu m'as fait
redevenir femme, mais je n'ai pas tout a fait renonce a etre homme. Si
j'ai repris les vetements et les occupations de mon sexe, je n'en ai pas
moins conserve en moi cet instinct de la grandeur morale et ce calme de
la force qu'une education male a developpes et cultives dans mon sein.
Il me semble toujours que je suis quelque chose de plus qu'une femme, et
aucune femme ne peut m'inspirer ni aversion, ni ressentiment, ni colere.
C'est de l'orgueil peut-etre; mais il me semble que je descendrais
au-dessous de moi-meme, si je me laissais emouvoir par de miserables
querelles de menage.
ASTOLPHE.
Oh! garde cet orgueil, il est bien legitime... Etre adore! tu es plus
grand a toi seul que tout ton sexe reuni. Rapportes-en l'honneur a ton
education si tu veux; moi, j'en fais honneur a ta nature, et je crois
qu'il n'etait pas besoin d'une destinee bizarre et d'une existence en
dehors de toutes les lois pour que tu fusses le chef-d'oeuvre de la
creation divine. Tu naquis douee de toutes les facultes, de toutes les
vertus, de toutes les graces, et l'on te meconnait! l'on te calomnie!...
GABRIELLE.
Que t'importe? Laisse passer ces orages; nos tetes sont a l'abri sous
l'egide sainte de l'amour. Je m'efforcerai d'ailleurs de les conjurer.
Peut-etre ai-je eu des torts. J'aurais pu montrer plus de condescendance
pour des exigences insignifiantes en elles-memes. Nos parties de chasse
deplaisent, je puis bien m'en abstenir; on blame nos idees sur la
tolerance religieuse, nous pouvons garder le silence a propos; on me
trouve trop elegante et trop futile, je puis m'habiller plus simplement
et m'assujettir un peu plus aux travaux du menage.
ASTOLPHE.
Et voila ce que je ne souffrirai pas. Je serais un miserable si
j'oubliais quel sacrifice tu m'as fait en reprenant les habits de ton
sexe et en renoncant a cette liberte, a celle vie active, a ces nobles
occupations de l'esprit dont tu avais le gout et l'habitude. Renoncer a
ton cheval? helas! c'est le seul exercice qui ait preserve la sante
des alterations que ce changement d'habitudes commencait a me faire
craindre. Restreindre ta toilette? elle est deja si modeste! et un peu
de parure releve tant
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