tours, tu le sais. Mon ame etait si naive! Elle etait
aussi confiante, aussi decouverte que la tienne. Mais, helas! j'ai ete
si coupable! J'ai appris a douter d'autrui en apprenant a douter de
moi-meme.
GABRIELLE.
Oublie ce que j'ai oublie, et parle.
ASTOLPHE.
Le moment de retourner a Florence est venu. Consens a n'y point aller.
Tu detournes les yeux! Tu gardes le silence? Tu me refuses?
GABRIELLE, _avec tristesse_.
Non, je cede; mais a une condition: tu me diras le motif de la demande.
ASTOLPHE.
C'est me vendre trop cher la grace que tu m'accordes; ne me demande pas
ce que je rougis d'avouer.
GABRIELLE.
Dois-je essayer de deviner, Astolphe? est-ce toujours le meme motif
qu'autrefois? _(Astolphe fait un signe de tete affirmatif.)_ La
jalousie? _(Meme signe d'Astolphe.)_
Eh quoi! encore! toujours! Mon Dieu, nous sommes bien malheureux,
Astolphe!
ASTOLPHE.
Ah! ne me dis pas cela! cache-moi les larmes qui roulent dans tes yeux,
ne me dechire pas le coeur! Je sens que je suis un lache, et pourtant
je n'ai pas la force de renoncer a ce que tu m'accordes avec des yeux
humides, avec un coeur brise!--Pourquoi m'aimes-tu encore, Gabrielle?
que ne me meprises-tu! Tant que tu m'aimeras, je serai exigeant, je
serai insense, car je serai tourmente de la crainte de te perdre. Je
sens que je finirai par la, car je sens le mal que je te fais. Mais je
suis entraine sur une pente fatale. J'aime mieux rouler au bas tout
de suite, et, des que tu me mepriseras, je ne souffrirai plus, je
n'existerai plus.
GABRIELLE.
O amour, tu n'es donc pas une religion? Tu n'as donc ni revelations, ni
lois, ni prophetes? Tu n'as donc pas grandi dans le coeur des hommes
avec la science el la liberte? Tu es donc toujours place sous l'empire
de l'aveugle destinee sans que nous ayons decouvert en nous-memes une
force, une volonte, une vertu pour lutter contre tes ecueils, pour
echapper a tes naufrages? Nous n'obtiendrons donc pas du ciel un divin
secours pour te purifier en nous-memes, pour t'ennoblir, pour t'elever
au-dessus des instincts farouches, pour te preserver de tes propres
fureurs et te faire triompher de tes propres delires? Il faudra donc
qu'eternellement tu succombes devore par les flammes que tu exhales, et
que nous changions en poison, par notre orgueil et notre egoisme, le
baume le plus pur et le plus divin qui nous ait ete accorde sur la
terre?
ASTOLPHE.
Ah! mon amie, ton ame exaltee est toujours en
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