nvoyes: c'est la
ce qui procurait tant d'avantages a nos corsaires. Quant a la disette,
elle etait generale dans toute l'Europe. Sur le Rhin, autour de
Francfort, le boisseau de seigle coutait 15 florins. L'enorme
consommation des armees, la multitude des bras enleves a l'agriculture,
les desordres de la malheureuse Pologne, qui n'avait presque pas fourni
de grains cette annee, avaient amene cette disette extraordinaire.
D'ailleurs les transports par la Baltique en Angleterre etaient devenus
presque impossibles, depuis que les Francais etaient maitres de la
Hollande. C'est dans le Nouveau-Monde que l'Europe avait ete obligee
d'aller s'approvisionner; elle vivait en ce moment de la surabondance
des produits de ces terres vierges que les Americains du nord venaient
de livrer a l'agriculture. Mais les transports etaient couteux, et le
prix du pain etait monte en Angleterre a un taux excessif. Celui de la
viande n'etait pas moins eleve. Les laines d'Espagne n'arrivaient plus
depuis que les Francais occupaient les ports de la Biscaye, et la
fabrication des draps allait etre interrompue. Aussi, pendant qu'elle
etait en travail de sa grandeur future, l'Angleterre souffrait
cruellement. Les ouvriers se revoltaient dans toutes les villes
manufacturieres, le peuple demandait la paix a grands cris, et il
arrivait au parlement des petitions couvertes de milliers de signatures,
implorant la fin de cette guerre desastreuse. L'Irlande, agitee pour
des concessions qu'on venait de lui retirer, allait ajouter de nouveaux
embarras a ceux dont le gouvernement etait deja charge.
A travers ces circonstances penibles, Pitt voyait des motifs et des
moyens de continuer la guerre. D'abord elle flattait les passions de sa
cour, elle flattait meme celles du peuple anglais, qui avait contre la
France un fonds de haine qu'on pouvait toujours ranimer au milieu des
plus cruelles souffrances. Ensuite, malgre les pertes du commerce,
pertes qui prouvaient d'ailleurs que les Anglais continuaient seuls a
parcourir les mers, Pitt voyait ce commerce augmente, depuis deux ans,
de la jouissance exclusive de tous les debouches de l'Inde et de
l'Amerique. Il avait reconnu que les exportations s'etaient
singulierement accrues depuis le commencement de la guerre; et il
pouvait entrevoir deja l'avenir de sa nation. Il trouvait, dans les
emprunts, des ressources dont la fecondite l'etonnait lui-meme. Les
fonds ne baissaient pas; la perte de la Hollande les avait pe
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