faire tomber. On y
rencontrait des etudiants qui, n'ayant pu supporter les verges
academiques, s'etaient enfuis de l'ecole, sans apprendre une
lettre de l'alphabet, tandis qu'il y en avait d'autres qui
savaient fort bien ce qu'etaient Horace, Ciceron et la Republique
romaine. On y trouvait aussi des officiers polonais qui s'etaient
distingues dans les armees du roi, et grand nombre de partisans,
convaincus qu'il etait indifferent de savoir ou et pour qui l'on
faisait la guerre, pourvu qu'on la fit, et parce qu'il est indigne
d'un gentilhomme de ne pas faire la guerre. Beaucoup enfin
venaient a la _setch_ uniquement pour dire qu'ils y avaient ete,
et qu'ils en etaient revenus chevaliers accomplis. Mais qui n'y
avait-il pas? Cette etrange republique repondait a un besoin du
temps. Les amateurs de la vie guerriere, des coupes d'or, des
riches etoffes, des ducats et des sequins pouvaient, en toute
saison, y trouver de la besogne. Il n'y avait que les amateurs du
beau sexe qui n'eussent rien a faire la, car aucune femme ne
pouvait se montrer, meme dans le faubourg de la _setch_. Ostap et
Andry trouvaient tres etrange de voir une foule de gens se rendre
a la _setch_, sans que personne leur demandat qui ils etaient, ni
d'ou ils venaient. Ils y entraient comme s'ils fussent revenus a
la maison paternelle, l'ayant quittee une heure avant. Le nouveau
venu se presentait au _kochevoi_[20], et le dialogue suivant
s'etablissait d'habitude entre eux:
-- Bonjour. Crois-tu en Jesus-Christ?
-- J'y crois, repondait l'arrivant.
-- Et a la Sainte Trinite?
-- J'y crois de meme.
-- Vas-tu a l'eglise?
-- J'y vais.
-- Fais le signe de la croix.
L'arrivant le faisait.
-- Bien, reprenait le _kochevoi_, va au _kouren_ qu'il te plait de
choisir.
A cela se bornait la ceremonie de la reception.
Toute la _setch_ priait dans la meme eglise, prete a la defendre
jusqu'a la derniere goutte de sang, bien que ces gens ne
voulussent jamais entendre parler de careme et d'abstinence. Il
n'y avait que des juifs, des Armeniens et des Tatars qui, seduits
par l'appat du gain, se decidaient a faire leur commerce dans le
faubourg, parce que les Zaporogues n'aimaient pas a marchander, et
payaient chaque objet juste avec l'argent que leur main tirait de
la poche. Du reste, le sort de ces commercants avides etait tres
precaire et tres digne de pitie. Il ressemblait a celui des gens
qui habitent au pied du Vesuve, car des que les Zaporogues
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