s est fort egal, et, quant a moi... Mais vous le
connaissez, vous, ce M. Moserwald?
--Non, monsieur; je l'ai vu avant-hier pour la premiere fois.
--Il vous avait dit en partant qu'il reviendrait bientot?
--Non, monsieur, il ne m'avait rien dit du tout.
Je ne sais quelle sourde colere s'etait emparee de moi en apprenant que
ce juif avait eu l'audace ou l'habilete, a peine debarque, de penetrer
aupres d'Alida, qu'il pretendait ne pas connaitre. Obernay s'attarda
beaucoup, il faisait nuit quand il rentra; je l'avais attendu pour
diner, et sans merite aucun, je n'avais certes pas faim. Je ne lui
parlai pas de Moserwald, craignant de trahir ma jalousie.
--Mets-toi a table, me dit-il, il me faut absolument un quart d'heure
pour arranger quelques plantes fontinales extremement delicates que je
rapporte.
Il me quitta, et Antoine me servit mon repas, disant qu'il connaissait
les quarts d'heure d'Obernay deballant son butin de botaniste, et que ce
n'etait pas une raison pour me faire manger un roti desseche. J'etais a
peine assis, que Moserwald parut, s'ecria qu'il etait charme de ne pas
souper seul, et ordonna a notre hote de le servir vis-a-vis de moi, ceci
sans m'en demander aucunement la permission. Cette familiarite, qui
m'eut diverti dans une autre situation d'esprit, me parut intolerable,
et j'allais le lui faire entendre quand, la curiosite dominant toutes
mes autres angoisses, je resolus de me contenir et de le faire parler.
C'etait une curiosite douloureuse et indignee; mais je fus stoique, et,
d'un air tout a fait degage, je lui demandai s'il avait reussi a voir
madame de Valvedre.
--Non, repondit-il en se frottant les mains; mais je la verrai tantot
avec vous, dans une heure.
--Ah! vraiment?
--Cela vous etonne? C'est pourtant bien simple. Ma figure et ma voix
etaient deja connues de la belle-soeur, qui m'avait remarque a Varallo.
Oh! je dis cela sans fatuite, je n'ai pas de pretention de ce cote-la.
Je note qu'elle m'avait remarque avant-hier en passant dans ce village
ou nous nous croisions. Eh bien, nous nous sommes rencontres de nouveau
tout a l'heure, la-haut, dans la galerie. Elle est toute franche, toute
confiante, cette grande fille; elle est venue a moi pour savoir si je
n'avais pas recueilli sur mon chemin quelque nouvelle de son frere.
--Dont vous ne saviez rien?
--Pardon! avec de l'argent, on sait toujours ce qu'on veut savoir.
Voyant ces dames inquietes, j'avais, des hier au soir, d
|