e rien comprendre, mais dont
j'admets la passion, vu que je comprends toutes les passions, moi qui
vous parle...
Obernay l'interrompit avec impatience en jetant sa serviette.
--Enfin, dit-il, vous avez devine la verite. M. de Valvedre a besoin de
toute la liberte d'esprit possible en ce moment. Montons, nous n'avons
plus le temps de causer.
Alida etait mise plus simplement que la veille. Je lui sus un gre infini
de ne pas s'etre paree pour Moserwald; elle n'en etait, d'ailleurs, que
plus belle. Je ne sais pas si sa belle-soeur etait moins negligee que le
jour precedent; je crois que je ne la vis pas du tout ce soir-la.
J'etais si rempli de mon drame interieur, que je m'imaginais presque
etre en tete-a-tete avec madame de Valvedre.
Son premier accueil fut froid et mefiant. Elle parut etre impatiente de
voir partir la fusee. Je ne la suivis pas sur le balcon. Je ne sais pas
si les signaux furent de bon augure, je ne me souviens pas de m'en etre
enquis. Je sais seulement qu'un quart d'heure apres, Paule de Valvedre
et son fiance etaient assis a une grande table, et qu'ils examinaient
des plantes, baptisant de noms barbares ou pompeux la bourrache et le
chiendent, pendant que madame de Valvedre, a demi couchee sur sa chaise
longue, avec un gueridon place entre elle et moi, brodait nonchalamment
sur du gros canevas, comme pour se dispenser de rencontrer les regards.
Je voyais bien, a ses mains distraites, qu'elle ne travaillait que pour
se renfermer en elle-meme. Ses traits expressifs avaient en ce moment
une placidite mysterieuse. Il n'y avait, a coup sur, aucune affinite
sympathique entre elle et Moserwald. Je remarquai meme avec plaisir
qu'au fond des paroles de politesse et de remerciement qu'elle lui
adressa dans une forme tres-laconique, il y avait un leger dedain.
Je me rassurai tout a fait en remarquant aussi que l'israelite, d'abord
plein d'aplomb vis-a-vis d'elle, perdait a chaque minute un peu de sa
vitalite. Sans doute, il avait compte, comme d'habitude, sur les
saillies enjouees et paradoxales de son esprit naturel pour faire passer
son manque d'education; mais sa faconde l'avait rapidement abandonne. Il
ne disait plus que des platitudes, et je l'y aidais cruellement,
devinant un imperceptible sourire d'ironie sur les levres closes de
madame de Valvedre.
Pauvre Moserwald! il etait pourtant meilleur et plus vrai en ce moment
de sa vie qu'il ne l'avait peut-etre jamais ete. Il etait amoureux et
tres-r
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