par un seul mot, elle se sentit adoree, et elle
m'aima. Je ne lui fis point de _declaration_, elle ne me fit point
d'_aveux_, et pourtant, le soir de ce jour-la, nous lisions dans la
pensee l'un de l'autre et nous tremblions de la tete aux pieds quand,
malgre nous, nos regards se rencontraient.
A la promenade, je ne la quittai pas d'un instant. Elle etait
mediocrement marcheuse, et, ne se resignant pas a emprisonner ses petits
pieds dans de gros souliers, elle s'en allait, adroite, insouciante,
mais vite meurtrie et fatiguee, a travers les pierres de la montagne et
les galets du torrent, avec ses bottines minces, son ombrelle dans une
main, un gros bouquet de tleurs sauvages dans l'autre, et laissant sa
robe s'accrocher a tous les obstacles du chemin. Obernay allait devant
avec Paule, emportes tous deux par une ardeur d'herborisation effrenee;
puis ils faisaient de longues pauses pour comparer, choisir et parer les
echantillons qu'ils emportaient. Nous n'avions pas de guide; Henri nous
en dispensait. Il me confiait madame de Valvedre, heureux de n'avoir pas
a se preoccuper d'elle et de pouvoir etre tout entier a son intrepide et
infatigable eleve.
--Suivez-nous ou devancez-nous, m'avait-il dit; il suffit que vous ne
nous perdiez pas de vue. Je ne vous menerai pas dans des endroits
dangereux. Pourtant surveille un peu madame de Valvedre, elle est fort
distraite et ne doute de rien.
J'avais eu, moi, l'infame hypocrisie de lui dire que j'etais la victime
de la journee et que j'aimerais bien mieux herboriser a ma maniere,
c'est-a-dire errer et contempler a ma guise, que d'accompagner cette
belle dame nonchalante et fantasque.
--Prends patience pour aujourd'hui, avait repondu Obernay; demain, nous
arrangerons cela autrement. Nous lui donnerons un mulet et un guide.
Candide Obernay!
Je fis si bien, que ces quatre heures de promenade furent un tete-a-tete
ininterrompu avec Alida. Quand nos compagnons s'arretaient, je la
faisais marcher, afin, disais-je, de n'avoir pas a se presser pour les
rejoindre quand ils reprendraient les devants, et, quand nous avions un
peu d'avance, je l'invitais a se reposer jusqu'a ce que nous les
vissions se remettre en marche. Je ne lui disais rien. J'etais aupres
d'elle ou autour d'elle comme un chien de garde, ou plutot comme un
esclave intelligent occupe a ecarter les epines et les cailloux de son
chemin. Si elle regardait un brin d'herbe sur le revers du rocher, je
m'elancais, au
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