le sage et l'ingenieux dans les
causes; seulement, vous etes des savants incomplets et systematiques,
qui se ferment, de propos delibere, les portes du temple, tandis que les
esprits vraiment religieux en recherchent les sanctuaires et en etudient
les divins hieroglyphes. Croyez-vous que ce chene dont le magnifique
branchage vous porte a la reverie perdrait dans votre esprit, si vous
aviez examine le frele embryon qui l'a produit, et si vous aviez suivi
les lois de son developpement au sein des conditions propices que la
Providence universelle lui a preparees? Pensez-vous que cette petite
mousse dont nous foulons le frais velours cesserait de vous plaire le
jour ou vous decouvririez a la loupe le fini merveilleux de sa structure
et les singularites ingenieuses de sa fructification? Il y a plus: une
foule d'objets qui vous semblent insignifiants, disparates ou incommodes
dans le paysage prendraient de l'interet pour votre esprit et meme pour
vos yeux, si vous y lisiez l'histoire de la terre ecrite en caracteres
profonds et indelebiles. Le lyriste, en general, se detourne de ces
pensees, qui le meneraient haut et loin: il ne veut faire vibrer que
certaines cordes, celle de la personnalite avant tout; mais voyez ceux
qui sont vraiment grands! Ils touchent a tout et ils interrogent
jusqu'aux entrailles du roc. Ils seraient plus grands encore sans le
prejuge public, sans l'ignorance generale, qui repousse comme trop
abstrait ce qui ne caresse ni les passions ni les instincts. C'est que
les notions sont faussees, comme je vous l'ai dit, et que les hommes
d'intelligence s'amusent a faire des distinctions, des camps, des sectes
dans la poursuite du vrai, si bien que ce qui est beau pour les uns ne
l'est plus pour les autres. Triste resultat de la tendance exageree aux
specialites! Etonnante fatalite de voir que la creation, source de toute
lumiere et foyer de tout enthousiasme, ne puisse reveler qu'une de ses
faces a son spectateur privilegie, a l'homme, qui, seul parmi les etres
vivant en ce monde, a recu le don de voir en haut et en bas,
c'est-a-dire de suppleer par le calcul et le raisonnement aux organes
qui lui manquent! Quoi! nous avons brise la voute de saphir de
l'empyree, et nous y avons saisi la notion de l'infini avec la presence
des mondes sans nombre; nous avons perce la croute du globe, nous y
avons decouvert les elements mysterieux de toute vie a sa surface, et
les poetes viendront nous dire: "Vous etes des pedant
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