e en pareille
circonstance: s'il y a lieu de feindre et de mentir, c'est sur elle
seule que tombe tout le poids de cette odieuse necessite. Il suffit a
son complice de paraitre calme et de ne commettre aucune imprudence;
mais elle qui risque tout, son honneur, son repos et sa vie, elle doit
tendre toutes les forces de sa volonte pour empecher le soupcon de
naitre. Croyez-moi, pour celle qui n'aime pas le mensonge, c'est la un
veritable supplice, et pourtant je vais le subir, et je n'ai pas
seulement songe a vous en parler. Je ne vous ai pas demande de m'en
plaindre, je ne vous ai pas reproche de m'y avoir exposee. Et vous, a
l'approche du danger qui me menace, vous m'abandonnez en disant: "Je ne
sais pas feindre, je suis trop fier pour me soumettre a cette
humiliation!" Et vous pretendez que vous m'aimez, que vous voudriez
trouver quelque terrible occasion de me le prouver, de me forcer a y
croire! En voici une prevue, banale, vulgaire et facile entre toutes, et
vous fuyez!
Elle avait raison. Je restai. La destinee, qui me poussait a ma perte,
parut venir a mon secours. Obernay revint seul. Il apportait a madame de
Valvedre une lettre de son mari, qu'elle me montra, et qui contenait a
peu pres ceci:
"Mon amie, ne m'en veuillez pas de m'etre encore laisse _tenter par les
cimes_. On n'y perit pas toujours, puisque m'en voila revenu sain et
sauf. Obernay m'a dit la cause de votre excursion dans ces montagnes. Je
me rends sans conteste a vos motifs, et je regarde comme mon premier
devoir de faire droit a vos reclamations. Je vais a Valvedre chercher ma
soeur ainee. Je me charge de l'installer tout de suite a Geneve, afin
que vous puissiez retourner chez vous sans chagrin aucun. En meme temps,
je vais tout disposer a Geneve pour le mariage de Paule, et je vous
prierai de venir m'y rejoindre avec elle au commencement du mois
prochain. De cette facon, la soeur ainee pourra assister a la ceremonie
sans que vous ayez l'air de n'etre pas en bonne intelligence. Vous
amenerez les enfants. Voici l'age venu ou Edmond doit entrer au college.
Obernay completera ma lettre par tous les details que vous pourrez
desirer. Comptez toujours sur le devouement de votre ami et serviteur,
"VALVEDRE."
Cette missive, dont je suis sur d'avoir rendu sinon les expressions, du
moins la teneur et l'esprit, confirmait pleinement tout ce qu'Alida
m'avait dit des bons procedes et des formes polies de son mari, en meme
temps qu'elle peignait le det
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