achement d'une ame superieure aux
deceptions ou aux desastres de l'amour. Il y avait peut-etre un drame
poignant sous cette parfaite serenite; mais l'impression en etait
effacee, soit par la force de la volonte, soit par la froideur de
l'organisation.
J'ignore pourquoi la lecture de cette lettre produisit sur moi un effet
tout contraire a celui que madame de Valvedre en attendait: elle me
l'avait fait lire, croyant eteindre les feux de ma jalousie; ils en
furent ravives et comme exasperes. Un epoux tellement irreprochable dans
la gouverne de sa famille avait, devant Dieu et devant les hommes, le
droit de tout exiger en retour de ses promptes et genereuses
condescendances. Il etait bien legitimement le maitre et l'arbitre de
cette femme dont il se disait chevaleresquement le serviteur et l'ami
devoue. Oui certes, il avait le droit pour lui, puisqu'il avait la
justice et la raison souveraines. Rien ne pouvait jamais autoriser sa
faible compagne a rompre des liens qu'il savait rendre doublement
sacres. Elle etait a lui pour toujours, fut-ce a titre de soeur, comme
elle le pretendait, car ce frere-la, mari ou non, etait un appui plus
legitime et plus serieux que l'amant de la veille ou que celui du
lendemain.
Je sentis mon role ephemere, presque ridicule. Je me flattais de le
repudier quand ma passion serait assouvie, et je ne songeai plus qu'a
l'assouvir. Alida ne l'entendait pas ainsi. Je commencai a la tromper
resolument et a lui inspirer de la confiance, avec l'intention bien
arretee de surprendre son imagination ou ses sens.
Elle repartait le surlendemain pour sa villa de Valvedre. Obernay etait
charge de l'accompagner; mais on devait prendre le plus long, afin de ne
pas se croiser avec M. de Valvedre emmenant sa vieille soeur a Geneve.
Je n'avais plus de pretexte pour rester aupres d'Alida, car j'avais
annonce a Obernay qu'apres une huitaine de jours a lui consacres, je
continuerais ma tournee en Suisse, sauf a retourner le voir a Geneve
avant de me rendre en Italie. Il ne m'aida pas a changer de projets.
--Valvedre a fixe mon mariage au 1er aout, me dit-il; je regarde comme
impossible que tu me refuses d'y assister. Moi, je serai dans ma famille
des le 15 juillet, et je t'attendrai. Nous sommes le 2, tu as donc tout
le temps d'aller voir une partie de nos grands lacs et de nos belles
montagnes; mais il ne faut pas tarder a commencer ta tournee. Je presse
ton depart, tu le vois, mais c'est pour mieux m'assurer
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