pecter la sincerite de cette femme, et en
cela j'etais plus clairvoyant que ne l'eut ete l'experience, car cette
femme etait sincere. Elle avait besoin d'aimer, elle aimait, et elle
cherchait le moyen de concilier le sentiment de sa fierte avec les elans
de son coeur avide d'emotions. Elle se refugiait dans un _mezzo termine_
ou la vertu n'eut pas vu bien clair, mais ou la pudeur alarmee pouvait
s'endormir quelque temps. Elle m'aidait a la tromper, et nous nous
trompions l'un l'autre en nous persuadant que la loyaute la plus stricte
presidait a ce contrat perfide et boiteux. Tout cela m'entrainait dans
un abime. Je debutais dans l'amour par une sorte de parjure; car, en me
vouant a une vertu de passage dont j'etais avide de me depouiller,
j'etais plus coupable que je ne l'avais ete jusque-la en m'abandonnant a
une passion sans frein, mais sans arriere-pensee.
Il ne me fut pas permis de m'en apercevoir suffisamment pour m'en
preserver. A partir de ce moment, Alida, exaltee par une reconnaissance
que j'etais loin de meriter, m'enivra de seductions invincibles. Elle se
fit tendre, naive, confiante jusqu'a la folie, simple jusqu'a
l'enfantillage, pour me dedommager des privations qu'elle m'imposait. Sa
grace et son abandon lui creerent des perils inouis avec lesquels elle
se joua comme si elle pouvait les ignorer. Sans doute, il y a un grand
charme dans ces souffrances de l'amour contenu qui attend et qui espere.
Elle en exaspera pour moi les delices et les angoisses. Elle fut
passionnement coquette avec moi, ne s'en cachant plus et disant que cela
etait permis a une femme qui aimait eperdument et qui voulait donner a
son amant tout le bonheur conciliable avec sa pudeur et ses devoirs:
etrange sophisme, ou elle puisait effectivement pour son compte tout le
bonheur dont elle etait susceptible, mais dont les acres jouissances
deterioraient mon ame, annulaient ma conscience et fletrissaient ma foi!
Deux jours se passerent sans que j'eusse aucun signal de la montagne,
aucune nouvelle d'Obernay. Cette mortelle inquietude me rendit plus apre
au bonheur, et le remords ajoutait encore a l'etourdissement de mes
coupables joies. Le soir, seul dans ma chambre, je frissonnais a l'idee
qu'en ce moment peut-etre Obernay et Valvedre, ensevelis sous les
glaces, exhalaient leur dernier souffle dans une etreinte supreme! Et
moi, j'avais pu oublier mon ami pendant des heures entieres aupres d'une
femme qui me couvait d'un celeste regard de
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