es epaules. Il ne me fait pas
tant d'honneur! Voyons, reprenez vos esprits, ayez du sang-froid. Je
vous avertis que vous en manquez, et qu'ici vous avez paru d'une
timidite singuliere. On a deja fait la remarque que vous n'etiez pas
ainsi a votre premiere apparition dans la maison.
--Je ne vous cache pas, repris-je, que je suis sur des epines. Il me
semble a chaque instant qu'on va me demander compte de ce voyage du cote
de Valvedre et m'ecraser sous le ridicule du pretexte que je viens de
trouver. M. de Valvedre doit m'en vouloir de m'etre moque de lui en me
donnant pour un comedien. Il est vrai qu'il s'est laisse traiter de
docteur: je le prenais pour un medecin; mais j'ai eu l'initiative de ma
meprise, et il n'a rien fait pour m'y confirmer ou pour m'en retirer,
tandis que moi...
--Vous a-t-il reparle de cela? reprit Alida un peu soucieuse.
--Non, pas un mot la-dessus! C'est bien etrange.
--Alors c'est tout naturel. Valvedre ne connait pas la feinte. Il a tout
oublie; n'y pensons plus et parlons du bonheur d'etre ensemble.
Elle me tendait la main. Je n'eus pas le temps de la presser contre mes
levres. Ses deux enfants revenaient de la promenade. Ils entraient comme
un ouragan dans la maison et dans le salon.
L'aine etait beau comme son pere, et lui ressemblait d'une maniere
frappante. Paolino rappelait Alida, mais en charge; il etait laid. Je me
souvins qu'Obernay m'avait parle d'une preferenc marquee de madame de
Valvedre pour Edmond, et involontairement j'epiai les premieres caresses
qui accueillirent l'un et l'autre. De tendres baisers furent prodigues a
l'aine, et elle me le presenta en me demandant si je le trouvais joli.
Elle effleura a peine les joues de l'autre, en ajoutant:
--Quant a celui-ci, il ne l'est pas, je le sais!
Le pauvre enfant se mit a rire, et, serrant la tete de sa mere dans ses
bras:
--C'est egal, dit-il, il faut embrasser ton singe!
Elle l'embrassa en le grondant de ses manieres brusques. Il lui avait
meurtri les joues avec ses baisers, ou un peu de malice et de vengeance
semblait se meler a son effusion.
Je ne sais pourquoi cette petite scene me causa une impression penible.
Les enfants se mirent a jouer. Alida me demanda a quoi je pensais en la
regardant d'un air si sombre. Et, comme je ne repondais pas, elle ajouta
a voix basse:
--Etes-vous jaloux d'eux? Ce serait cruel. J'ai besoin que vous me
consoliez; car je vais etre separee de l'un et de l'autre, a moins que
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