s il faut que ce soit ma mere qui vous
presente l'un a l'autre.
--Tout a l'heure! repris-je en voyant qu'Alida me regardait. Laisse-moi
revenir de ma surprise et de mon eblouissement.
--Tu la trouves belle? Tu n'es pas le seul; mais n'aie pas l'air de t'en
apercevoir, si tu ne veux la desesperer. Sa beaute est comme un fleau
pour elle. Elle ne peut sortir de la vieille ville sans qu'on s'attroupe
pour la voir, et elle n'est pas seulement intimidee de cette avidite des
regards, elle en est blessee et offensee. Elle en souffre veritablement,
et elle en devient triste et sauvage hors de l'intimite. Demain sera
pour elle un jour d'exhibition forcee, un jour de supplice par
consequent. Si tu veux etre de ses amis, regarde-la comme si elle avait
cinquante ans.
--A propos de cinquante ans, repris-je pour detourner la conversation,
il me semble que mademoiselle Juste n'a guere davantage. Je me figurais
une veritable duegne.
--Cause avec elle un quart d'heure, et tu verras que la duegne est une
femme d'un grand merite. Tiens, je veux te presenter a elle; car, moi,
je l'aime, cette belle-soeur-la, et je veux qu'elle t'aime aussi.
Il ne me permit pas d'hesiter et me poussa vers mademoiselle Juste, dont
l'accueil digne et bienveillant devait naturellement me faire engager la
conversation. C'etait une vieille fille un peu maigre et accentuee de
physionomie, mais qui avait du etre presque aussi belle que la soeur
d'Obernay, et dont le celibat me semblait devoir cacher quelque mystere,
car elle etait riche, de bonne famille, et d'un esprit tres-independant.
En l'ecoutant parler, je trouvai en elle une distinction rare et meme un
certain charme serieux et profond qui me penetra de respect et de
crainte. Elle me temoigna pourtant de l'interet et me questionna sur ma
famille, qu'elle paraissait tres-bien connaitre, sans pourtant rappeler
ou preciser les circonstances ou elle l'avait connue.
On avait dejeune, mais on tenait en reserve une collation pour moi et
pour M. de Valvedre. En attendant qu'il arrivat, Henri me conduisit dans
ma chambre. Nous trouvames sur l'escalier madame Obernay et ses deux
filles, qui vaquaient aux soins domestiques. Henri saisit sa mere au
passage afin qu'elle me presentat en particulier a sa fille ainee.
--Oui, oui, repondit-elle avec un affectueux enjouement, vous allez vous
faire de grandes reverences, c'est l'usage; mais souvenez-vous un peu
d'avoir ete compagnons d'enfance pendant un an, a Pa
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