il commence a desgorger des horribles
blasphemes contre le Sauveur du monde. Touer lui resiste et le refute par
tesmoignages formels recueillis de l'Escriture sainte, que ce malheureux
esprit tout confus, laissant la place infectee de puanteur insupportable
s'esvanouit."
"Un moine nomme Thomas, dit Alexandre d'Alexandrie[1], personnage digne de
foy, et la preud'hommie duquel j'ay esprouvee en plusieurs afaires m'a
raconte pour chose vraye, avec serment, qu'ayant eu debat de grosses
paroles avec certains autres moines, apres s'estre dit force injures de
part et d'autre, il sortit tout bouillant de cholere d'avec eux et se
promenant seul en un grand bois rencontra un homme laid, de terrible
regard, ayant la barbe noire, et robe longue. Thomas lui demande ou il
alloit? J'ay perdu, respondit-il, ma monture, et vai la cercher en ces
prochaines campagnes. Sur ce ils marchent de compagnie pour trouver ceste
monture, et se rendent pres d'un ruisseau profond. Le moine commence a se
deschausser pour traverser ce ruisseau: mais l'autre le presse de monter
sur ses espaules, promettant le passer a l'aise. Thomas le croid, et charge
dessus l'embrasse par le col: mais baissant les yeux pour voir le gue, il
descouvre que son portefaix avoit des pieds monstrueux et du tout
estranges. Dont fort estonne, il commence a invoquer Dieu a son aide. A
ceste voix, l'ennemi confus jette sa charge bas, et grondant de facon
horrible disparoit avec tel bruit et de si extraordinaire roideur, qu'il
arrache un grand chesne prochain et en fracasse toutes les branches. Thomas
demeura quelque temps comme demy-mort, par terre, puis s'estant releve,
reconnut que peu s'en estoit falu que ce cruel adversaire ne l'eust fait
perir de corps et d'ame."
[Note 1: Au IVe livre, chap. XIX de ses _Jours geniaux_, cite par
Goulart, _Thresor d'histoires admirables_, t. Ier, p. 535.]
III.--ENLEVEMENTS PAR LE DIABLE
J. Wier[1] rapporte cette histoire d'une femme emportee par le diable:
[Note 1: _Histoires, disputes et discours des illusions et
impostures des diables, des magiciens, infames, sorciers et
empoisonneurs, le tout compris en 5 livres_, traduit du latin, de
Jean Wier, sans date, vers 1577.]
"L'an 1551 il advint pres Megalopole joignant Wildstat, les festes de la
Pentecoste, ainsi que le peuple se amusoit a boire et ivrongner, qu'une
femme que estoit de la compagnie, nommoit ordinairement le diable parmy ses
jurements,
|