rouve la souplesse malleable et ductile. "Je t'ai ecrit, mande-t-elle a
Musset le 15 avril, une longue lettre sur mon voyage dans les Alpes, que
j'ai intention de publier dans la _Revue_, si cela ne te contrarie pas. Je
te renverrai, et, si tu n'y trouves rien a redire, tu la donneras a Buloz.
Si tu veux y faire des corrections et des suppressions, je n'ai pas besoin
de te dire que tu as droit de vie et de mort sur tous mes manuscrits
passes, presents et futurs. Enfin, si tu la trouves entierement
_impubliable_, jette-la au feu ou mets-la dans ton portefeuille, _ad
libitum_." Alfred de Musset, apprenant ce voyage, ecrit le 19 avril: "Tu
es donc dans les Alpes? N'est-ce pas que c'est beau? Il n'y a que cela au
monde. Je pense avec plaisir que tu es dans les Alpes; je voudrais
qu'elles pussent te repondre, elles te raconteraient peut-etre ce que je
leur ai dit. O mon enfant, c'est la cependant qu'il est triste d'etre
seul." Dans la meme lettre il annonce son arrivee a Paris, presque bien
portant, en depit d'un coup de soleil sur la figure et d'un erysipele aux
jambes. "Grace a Dieu, je suis debout aujourd'hui et gueri, sauf une
fievre lente qui me prend tous les soirs au lit, et dont je ne me vante
pas a ma mere, parce que le temps seul et le repos peuvent la guerir. Du
reste, a peine dehors du lit, je me suis rejete a corps perdu dans mon
ancienne vie." Elle a Venise avec Pagello, lui a Paris, livre aux voluptes
faciles, ils se paient de la meme monnaie. Mais, tout en racontant qu'il
cherche un nouvel amour et dine avec des filles d'Opera, il ajoute: "Plus
je vais, plus je m'attache a toi, et, bien que tres tranquille, je suis
devore d'un chagrin qui ne me quitte plus." Et tout aussitot: "Dis-moi que
tu t'es donnee a l'homme que tu aimes, parle-moi de vos joies; non, ne me
dis pas cela, dis-moi simplement que tu aimes et que tu es aimee. Alors je
me sens plus de courage, et je demande au ciel que chacune de mes
souffrances se change en joie pour toi... Madame Hennequin avait fait a ma
mere tous les cancans possibles sur ton compte. Je n'ai pas eu de peine a
la desabuser; il a suffi de lui parler des nuits que tu as passees a me
soigner, c'est tout pour une mere... Adieu, ma soeur adoree. Va au Tyrol,
a Venise, a Constantinople; fais ce qui te plait, ris et pleure a ta guise;
mais le jour ou tu te retrouveras quelque part seule et triste comme a ce
Lido, etends la main avant de mourir, et souviens toi qu'il y a dans un
coin
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