ations dans les marches, empechaient les fermiers
d'apporter leurs denrees. On avait crie aussitot a l'accaparement. On
s'etait eleve surtout contre ces riches fermiers qu'on appelait des
aristocrates, et dont les fermages trop etendus devaient, disait-on, etre
divises. Plus on s'irritait contre eux, moins ils etaient disposes a se
montrer dans les marches, et plus la disette augmentait. Les assignats
avaient aussi contribue a la produire. Beaucoup de fermiers, qui ne
vendaient que pour amasser, ne voulaient pas accumuler un papier variable,
et preferaient garder leurs grains. En outre, comme le ble devenait chaque
jour plus rare et les assignats plus abondans, la disproportion entre le
signe et la chose s'etait constamment accrue, et le rencherissement
augmentait d'une maniere de plus en plus sensible. Par un accident
ordinaire dans toutes les disettes, la prevoyance etant eveillee par la
crainte, chacun voulait faire des approvisionnemens; les familles, les
municipalites, le gouvernement, faisaient des achats considerables,
et rendaient ainsi la denree encore plus rare et plus chere. A Paris
surtout, la municipalite commettait un abus tres grave et tres ancien:
elle achetait des bles dans les departemens voisins, et les vendait
au-dessous du prix, dans la double intention de soulager le peuple et de
se populariser encore davantage. Il resultait de cela que les marchands,
ecrases par la rivalite, se retiraient du marche, et que la population des
campagnes, attiree par le bas prix, venait absorber une partie des
subsistances rassemblees a grands frais par la police. Ces mauvaises
mesures, inspirees par de fausses idees economiques et par une ambition de
popularite excessive, tuaient le commerce, necessaire surtout a Paris, ou
il faut accumuler sur un petit espace une quantite de grains plus grande
que nulle autre part. Les causes de la disette etaient donc tres
multipliees: d'abord la terreur des fermiers qui s'eloignaient des
marches, le rencherissement provenant des assignats, la fureur de
s'approvisionner, et enfin l'intervention de la municipalite parisienne,
qui troublait le commerce par sa puissante concurrence.
Dans des difficultes pareilles, il est facile de deviner quel parti
devaient prendre les deux classes d'hommes qui se partageaient la
souverainete de la France. Les esprits violens qui avaient jusqu'ici voulu
ecarter toute opposition en detruisant les opposans; qui, pour empecher
les conspirations, avaient
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