chaque tour de
roue decroitre l'espace qui le separait de son desir.
Oh! par un beau matin de juin, a l'age de notre ami Paul, le coeur plein
d'amour comme il l'avait, bruler a quatre chevaux la route blanche de
la Corniche, c'est une ivresse de voyage incomparable. A gauche, a cent
pieds d'abime, la mer mouchetee d'ecume des anses rondes du rivage a ces
lointains de vapeur, ou se confondent le bleu des vagues et celui du
ciel; voiles rouges ou blanches, jetees la-dessus en ailes uniques
et deployees, fines silhouettes de steamers avec un peu de fumee a
l'arriere comme un adieu, et sur des plages apercues au detour, des
pecheurs, pas plus gros que des merles de roche, dans leur barque
amarree, qui semble un nid. Puis la route s'abaisse, suit une pente
rapide, tout le long de rochers, de promontoires presque a pic. Le vent
frais des vagues arrive la, se mele aux mille grelots de l'attelage,
tandis qu'a droite, sur le flanc de la montagne, les pins s'etagent, les
chenes verts, aux capricieuses racines, sortant du sol aride, et des
oliviers en culture sur leurs terrasses, jusqu'a un large ravin blanc et
caillouteux, borde de verdures qui rappellent le passage des eaux, un
torrent desseche que remontent des mulets charges, le sabot solide
parmi les pierres en galets ou se penche une laveuse pres d'une mare
microscopique, quelques gouttes restees de la grande inondation d'hiver.
De temps en temps, on traverse la rue d'un village ou plutot d'une
petite ville rouillee par trop de soleil, d'une anciennete historique,
les maisons etroitement serrees et rejointes par des arcades sombres, un
lacis de ruelles voutees, qui grimpent a pic avec des echappees de jour
superieur, des ouvertures de mines laissant apercevoir des nichees
d'enfants frises en aureole, des corbeilles de fruits eclatants,
une femme descendant le pave raboteux, sa cruche sur la tete ou la
quenouille au bras. Puis, a un coin de rue, le papillotement bleu des
vagues, et l'immensite retrouvee...
Mais, a mesure que la journee s'avancait, le soleil, montant dans le
ciel, eparpillait sur la mer, sortie de ses brumes, lourde, stupefaite,
immobile avec des transparences de quartz, des milliers de rayons
tombant dans l'eau, comme des piqures de fleches, une reverberation
eblouissante, doublee par la blancheur des roches et du sol, par un
veritable sirocco d'Afrique qui soulevait la poussiere en spirale sur le
passage de la voiture. On arrivait aux sites les plus chau
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