ebot italien qui partait
le lendemain pour Genes, passa la nuit a bord, et ne fut tranquille que
lorsqu'il vit fuir derriere lui la blanche Tunis etagee au fond de son
golfe et les rochers du cap Carthage. En entrant dans le port de Genes,
le vapeur, en train de se ranger au quai, passa pres d'un grand yacht ou
flottait le pavillon tunisien parmi des petits etendards de parade. De
Gery ressentit une vive emotion, crut un instant qu'on envoyait a sa
poursuite, et qu'il allait peut-etre en debarquant avoir des demeles
avec la police italienne comme un vulgaire gate-bourse. Mais non, le
yacht se balancait tranquille a l'ancre, ses matelots occupes a nettoyer
le pont et a repeindre la sirene rouge de l'avant, comme si l'on
attendait quelque personnage d'importance. Paul n'eut pas la curiosite
de savoir quel etait ce personnage, ne fit que traverser la ville de
marbre et revint par la voie ferree qui va de Genes a Marseille en
suivant la cote, route merveilleuse ou l'on passe du noir des tunnels a
l'eblouissement de la mer bleue, mais que son etroitesse expose a bien
des accidents.
A Savone, le train arrete, on annonca aux voyageurs qu'ils ne pouvaient
aller plus loin, un de ces petits ponts jetes sur les torrents qui
descendent de la montagne dans la mer s'etant rompu pendant la nuit. Il
fallait attendre l'ingenieur, les ouvriers avertis par le telegraphe,
rester la peut-etre une demi-journee. C'etait le matin. La ville
italienne s'eveillait dans une de ces aubes voilees qui annoncent
la grande chaleur du jour. Pendant que les voyageurs disperses se
refugiaient dans les hotels, s'installaient dans des cafes, que d'autres
couraient la ville, de Gery, desole du retard, cherchait un moyen de
ne pas perdre encore cette dizaine d'heures. Il pensait au pauvre
Jansoulet, a qui l'argent qu'il apportait allait peut-etre sauver
l'honneur et la vie, a sa chere Aline, a celle dont le souvenir ne
l'avait pas quitte un seul jour pendant son voyage, pas plus que le
portrait qu'elle lui avait donne. Il eut alors l'idee de louer un de ces
_calesino_ atteles a quatre, qui font le trajet de Genes a Nice, tout le
long de la Corniche italienne, voyage adorable que se payent souvent
les etrangers, les amoureux ou les joueurs heureux de Monaco. Le cocher
garantissait d'etre a Nice de bonne heure; mais n'arrivat-on guere plus
vite qu'en attendant le train, l'impatience du voyageur eprouvait le
soulagement de ne pas pietiner sur place, de sentir a
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