re sortir son pere
de prison; son nom avait ete repete avec terreur au Palais-Royal,
et il disait en riant au conseiller reintegre dans sa famille:
-- Croyez-vous, mon pere, que si maintenant je demandais une
compagnie a la reine elle me la donnerait?
D'Artagnan avait profite du moment de calme pour renvoyer Raoul,
qu'il avait eu grand'peine a retenir enferme pendant l'emeute, et
qui voulait absolument tirer l'epee pour l'un ou l'autre parti.
Raoul avait fait quelque difficulte d'abord, mais d'Artagnan avait
parle au nom du comte de La Fere. Raoul avait ete faire une visite
a madame de Chevreuse et etait parti pour rejoindre l'armee.
Rochefort seul trouvait la chose assez mal terminee: il avait
ecrit a M. le duc de Beaufort de venir; le duc allait arriver et
trouverait Paris tranquille.
Il alla trouver le coadjuteur, pour lui demander s'il ne fallait
pas donner avis au prince de s'arreter en route; mais Gondy y
reflechit un instant et dit:
-- Laissez-le continuer son chemin.
-- Mais ce n'est donc pas fini? demanda Rochefort.
-- Bon! mon cher comte, nous ne sommes encore qu'au commencement.
-- Qui vous fait croire cela?
-- La connaissance que j'ai du coeur de la reine: elle ne voudra
pas demeurer battue.
-- Prepare-t-elle donc quelque chose?
-- Je l'espere.
-- Que savez-vous, voyons?
-- Je sais qu'elle a ecrit a M. le Prince de revenir de l'armee en
toute hate.
-- Ah! ah! dit Rochefort, vous avez raison, il faut laisser venir
M. de Beaufort.
Le soir meme de cette conversation, le bruit se repandit que M. le
Prince etait arrive.
C'etait une nouvelle bien simple et bien naturelle, et cependant
elle eut un immense retentissement; des indiscretions, disait-on,
avaient ete commises par madame de Longueville, a qui M. le
Prince, qu'on accusait d'avoir pour sa soeur une tendresse qui
depassait les bornes de l'amitie fraternelle, avait fait des
confidences.
Ces confidences devoilaient de sinistres projets de la part de la
reine.
Le soir meme de l'arrivee de M. le Prince, des bourgeois plus
avances que les autres, des echevins, des capitaines de quartier
s'en allaient chez leurs connaissances, disant:
-- Pourquoi ne prendrions-nous pas le roi et ne le mettrions-nous
pas a l'Hotel de Ville? c'est un tort de le laisser elever par nos
ennemis, qui lui donnent de mauvais conseils; tandis que s'il
etait dirige par M. le coadjuteur, par exemple, il sucerait des
principes nationaux et aime
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