t son goupillon.
C'etait un homme de soixante-six a soixante-huit ans, petit, assez
gros, aux cheveux gris, aux yeux fauves. Il y avait sur sa figure
la lutte de deux principes opposes, une nature mauvaise domptee
par la volonte, peut-etre par le repentir.
En voyant le cavalier qui accompagnait le cure, il tressaillit
legerement et le regarda d'un air etonne.
Le cure et le coadjuteur toucherent le goupillon du bout des
doigts et firent le signe de la croix; le coadjuteur jeta une
piece d'argent dans le chapeau qui etait a terre.
-- Maillard, dit le cure, nous sommes venus, monsieur et moi, pour
causer un instant avec vous.
-- Avec moi! dit le mendiant; c'est bien de l'honneur pour un
pauvre donneur d'eau benite.
Il y avait dans la voix du pauvre un accent d'ironie qu'il ne put
dominer tout a fait et qui etonna le coadjuteur.
-- Oui, continua le cure qui semblait habitue a cet accent, oui,
nous avons voulu savoir ce que vous pensiez des evenements
d'aujourd'hui, et ce que vous en avez entendu dire aux personnes
qui entrent a l'eglise et qui en sortent.
Le mendiant hocha la tete.
-- Ce sont de tristes evenements, monsieur le cure, qui, comme
toujours, retombent sur le pauvre peuple. Quant a ce qu'on en dit,
tout le monde est mecontent, tout le monde se plaint, mais qui dit
tout le monde ne dit personne.
-- Expliquez-vous, mon cher ami, dit le coadjuteur.
-- Je dis que tous ces cris, toutes ces plaintes, toutes ces
maledictions ne produiront qu'une tempete et des eclairs, voila
tout; mais que le tonnerre ne tombera que lorsqu'il y aura un chef
pour le diriger.
-- Mon ami, dit Gondy, vous me paraissez un habile homme; seriez-
vous dispose a vous meler d'une petite guerre civile dans le cas
ou nous en aurions une, et a mettre a la disposition de ce chef,
si nous en trouvions un, votre pouvoir personnel et l'influence
que vous avez acquise sur vos camarades?
-- Oui, monsieur, pourvu que cette guerre fut approuvee par
Eglise, et par consequent put me conduire au but que je veux
atteindre, c'est-a-dire a la remission de mes peches.
-- Cette guerre sera non seulement approuvee, mais encore dirigee
par elle. Quant a la remission de vos peches, nous avons
M. l'archeveque de Paris qui tient de grands pouvoirs de la cour
de Rome, et meme M. le coadjuteur qui possede des indulgences
plenieres; nous vous recommanderions a lui.
-- Songez, Maillard, dit le cure, que c'est moi qui vous ai
recommande a
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