officier de
mousquetaires.
-- Oh! monsieur!... fit Bazin les mains jointes et d'un air
suppliant.
-- Allons, pas d'hypocrisies! vous savez que je ne les aime pas.
Vous feriez bien mieux d'ouvrir la fenetre et de descendre un
pain, un poulet et une bouteille de vin a votre ami Planchet, qui
s'extermine depuis une heure a frapper dans ses mains.
En effet, Planchet, apres avoir donne la paille et l'avoine a ses
chevaux, etait revenu sous la fenetre et avait repete deux ou
trois foi le signal indique.
Bazin obeit, attacha au bout d'une corde les trois objets designes
et les descendit a Planchet, qui, n'en demandant pas davantage, se
retira aussitot sous le hangar.
-- Maintenant soupons, dit Aramis.
Les deux amis se mirent a table, et Aramis commenca a decouper
poulets, perdreaux et jambons avec une adresse toute
gastronomique.
-- Peste, dit d'Artagnan, comme vous vous nourrissez!
-- Oui, assez bien. J'ai pour les jours maigres des dispenses de
Rome que m'a fait avoir M. le coadjuteur a cause de ma sante; puis
j'ai pris pour cuisinier l'ex-cuisinier de Lafollone, vous savez?
l'ancien ami du cardinal, ce fameux, gourmand qui disait pour
toute priere apres son diner: "Mon Dieu, faites-moi la grace de
bien digerer ce que j'ai si bien mange."
-- Ce qui ne l'a pas empeche de mourir d'indigestion, dit en riant
d'Artagnan.
-- Que voulez-vous, reprit Aramis d'un air resigne, on ne peut
fuir sa destinee!
-- Mais pardon, mon cher, de la question que je vais vous faire,
reprit d'Artagnan.
-- Comment donc, faites, vous savez bien qu'entre nous il ne peut
y avoir d'indiscretion.
-- Vous etes donc devenu riche?
-- Oh! mon Dieu, non! je me fais une douzaine de mille livres par
an, sans compter un petit benefice d'un millier d'ecus que m'a
fait avoir M. le Prince.
-- Et avec quoi vous faites-vous ces douze mille livres? dit
d'Artagnan; avec vos poemes?
-- Non, j'ai renonce a la poesie, excepte pour faire de temps en
temps quelque chanson a boire, quelque sonnet galant ou quelque
epigramme innocent: je fais des sermons, mon cher.
-- Comment, des sermons?
-- Oh! mais des sermons prodigieux, voyez-vous! A ce qu'il parait,
du moins.
-- Que vous prechez?
-- Non, que je vends.
-- A qui?
-- A ceux de mes comperes qui visent a etre de grands orateurs
donc!
-- Ah! vraiment? Et vous n'avez pas ete tente de la gloire pour
vous-meme?
-- Si fait, mon cher, mais la nature l'a emporte. Quand
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