ent introduits pres de M. le duc de Bouillon. Le
malade etait dans sa chambre, couche, mais entoure de l'appareil
le plus militaire qui se put voir. Ce n'etaient partout, pendus
aux murailles, qu'epees, pistolets, cuirasses et arquebuses, et il
etait facile de voir que, des qu'il n'aurait plus la goutte,
M. de Bouillon donnerait un joli peloton de fil a retordre aux
ennemis du parlement. En attendant, a son grand regret, disait-il,
il etait force de se tenir au lit.
-- Ah! messieurs, s'ecria-t-il en apercevant les deux visiteurs et
en faisant pour se soulever sur son lit un effort qui lui arracha
une grimace de douleur, vous etes bien heureux, vous; vous pouvez
monter a cheval, aller, venir, combattre pour la cause du peuple.
Mais moi, vous le voyez, je suis cloue sur mon lit. Ah! diable de
goutte! fit-il en grimacant de nouveau. Diable de goutte!
-- Monseigneur, dit Athos, nous arrivons d'Angleterre, et notre
premier soin en touchant a Paris a ete de venir prendre des
nouvelles de votre sante.
-- Grand merci, messieurs, grand merci! reprit le duc. Mauvaise,
comme vous le voyez, ma sante... Diable de goutte! Ah! vous
arrivez d'Angleterre? et le roi Charles se porte bien, a ce que je
viens d'apprendre?
-- Il est mort, Monseigneur, dit Aramis.
-- Bah! fit le duc etonne.
-- Mort sur un echafaud, condamne par le parlement.
-- Impossible!
-- Et execute en notre presence.
-- Que me disait donc M. de Flamarens?
-- M. de Flamarens? fit Aramis.
-- Oui, il sort d'ici.
Athos sourit.
-- Avec deux compagnons? dit-il.
-- Avec deux compagnons, oui, reprit le duc; puis il ajouta avec
quelque inquietude: Les auriez-vous rencontres?
-- Mais oui, dans la rue ce me semble, dit Athos.
Et il regarda en souriant Aramis, qui, de son cote, le regarda
d'un air quelque peu etonne.
-- Diable de goutte! s'ecria M. de Bouillon evidemment mal a son
aise.
-- Monseigneur, dit Athos, en verite il faut tout votre devouement
a la cause parisienne pour rester, souffrant comme vous l'etes, a
la tete des armees, et cette perseverance cause en verite notre
admiration, a M. d'Herblay et a moi.
-- Que voulez-vous, messieurs! il faut bien, et vous en etes un
exemple, vous si braves et si devoues, vous a qui mon cher
collegue le duc de Beaufort doit la liberte et peut-etre la vie,
il faut bien se sacrifier a la chose publique. Aussi vous le
voyez, je me sacrifie; mais, je l'avoue, je suis au bout de ma
force. Le coe
|