ent demande celle de Scherer. Malgre tous ses
torts si graves, lui seul etait mis a part. D'abord il ne passait pas,
comme ses quatre collegues, pour un _avocat_, car sa paresse, ses
habitudes debauchees, ses manieres soldatesques, ses liaisons avec
les jacobins, le souvenir du 18 fructidor qu'on lui attribuait
exclusivement, en faisaient en apparence un homme d'execution, plus
capable de gouverner que ses collegues. Les patriotes lui trouvaient
avec eux des cotes de ressemblance, et croyaient qu'il leur etait
devoue. Les royalistes en recevaient des esperances secretes. Les
etats-majors, qu'il flattait et qu'il protegeait contre la juste
severite de ses collegues, l'avaient en assez grande faveur. Les
fournisseurs le vantaient, et il se sauvait de cette maniere de la
defaveur generale. Il etait meme perfide avec ses collegues, car tous
les reproches qu'il meritait, il avait l'art de les rejeter sur eux
seuls. Un pareil role ne peut pas etre long-temps heureux, mais il peut
reussir un moment: il reussit dans cette occasion.
On connait la haine de Barras contre Rewbell. Celui-ci, administrateur
vraiment capable, avait choque, par son humeur et sa morgue, tous
ceux qui traitaient avec lui. Il s'etait montre severe pour les gens
d'affaires, pour tous les proteges de Barras, et notamment pour les
militaires. Aussi etait-il devenu l'objet de la haine generale. Il etait
probe, quoique un peu avare. Barras avait l'art, dans sa societe, qui
etait nombreuse, de diriger contre lui les plus odieux soupcons. Une
circonstance malheureuse contribuait a les autoriser. L'agent du
directoire en Suisse, Rapinat, etait beau-frere de Rewbell. On avait
exerce en Suisse les exactions qui se commettaient dans tous les pays
conquis, beaucoup moins cependant que partout ailleurs. Mais les
plaintes excessives de ce petit peuple avare avaient cause une rumeur
extreme. Rapinat avait eu la commission malheureuse de mettre le scelle
sur les caisses et sur le tresor de Berne; il avait traite avec hauteur
le gouvernement helvetique; ces circonstances et son nom, qui etait
malheureux, lui avaient valu de passer pour le Verres de la Suisse, pour
l'auteur de dilapidations qui n'etaient pas son ouvrage; car il avait
meme quitte la Suisse, avant l'epoque ou elle avait le plus souffert.
Dans la Societe de Barras on faisait de malheureux calembours sur son
nom, et tout retombait sur Rewbell, dont il etait le beau-frere. C'est
ainsi que la probite de Rewbell
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