use bien du mal, cette
energie brutale allait rencontrer l'energie savante et calculee, et se
briser devant elle.
Scherer ayant entierement perdu l'usage de ses esprits, s'etait
promptement retire sur l'Adda, au milieu des cris d'indignation des
soldats. De son armee de quarante-six mille hommes, il en avait perdu
dix mille, ou morts ou prisonniers. Il fut oblige d'en laisser a
Peschiera ou Mantoue encore huit mille, et il ne lui en resta ainsi que
vingt-huit mille. Neanmoins si, avec cette poignee d'hommes, il avait su
manoeuvrer habilement, il aurait pu donner le temps a Macdonald de le
rejoindre, et eviter bien des desastres. Mais il se placa sur l'Adda
de la maniere la plus malheureuse. Il partagea son armee en trois
divisions. La division Serrurier etait a Lecco, a la sortie de l'Adda du
lac de Lecco. La division Grenier etait a Cassano, la division Victor a
Lodi. Il avait place Montrichard, avec quelques corps legers, vers le
Modenois et les montagnes de Genes; pour maintenir les communications
avec la Toscane, par ou Macdonald devait deboucher. Ses vingt-huit
mille hommes, ainsi disperses sur une ligne de vingt-quatre lieues, ne
pouvaient resister solidement nulle part, et devaient etre enfonces
partout ou l'ennemi se presenterait en forces.
Le 8 floreal (27 avril) au soir, au moment meme ou la ligne de l'Adda
etait forcee, Scherer remit a Moreau la direction de l'armee. Ce brave
general avait quelque droit de la refuser. On l'avait fait descendre
au role de simple divisionnaire, et maintenant que la campagne etait
perdue, qu'il n'y avait plus que des desastres a essuyer, on lui
donnait le commandement. Cependant, avec un devouement patriotique
que l'histoire ne saurait trop celebrer, il accepta une defaite, en
acceptant le commandement le soir meme ou l'Adda etait force. C'est ici
que commence la moins vantee et la plus belle partie de sa vie.
Suwarow s'etait approche de l'Adda sur plusieurs points. Quand le
premier regiment russe se montra a la vue du pont de Lecco, les
carabiniers de la brave 18e legere sortirent des retranchemens, et
coururent au-devant de ces soldats, qu'on peignait comme des colosses
effrayans et invincibles. Ils fondirent sur eux la baionnette croisee,
et en firent un grand carnage. Les Russes furent repousses. Il venait
de s'allumer un admirable courage dans le coeur de nos braves; ils
voulaient faire repentir de leur voyage les barbares insolens qui
venaient se meler dans une quere
|