annees usent les partis, mais il en faut beaucoup pour les epuiser.
Les passions ne s'eteignent qu'avec les coeurs dans lesquels elles
s'allumerent. Il faut que tout une generation disparaisse; alors il ne
reste des pretentions des partis que les interets legitimes, et le
temps peut operer entre ces interets une conciliation naturelle et
raisonnable. Mais avant ce terme, les partis sont indomptables par la
seule puissance de la raison. Le gouvernement qui veut leur parler le
langage de la justice et des lois leur devient bientot insupportable, et
plus il a ete modere, plus ils le meprisent comme faible et impuissant.
Veut-il, quand il trouve des coeurs sourds a ses avis, employer la
force, on le declare tyrannique, on dit qu'a la faiblesse il joint la
mechancete. En attendant les effets du temps, il n'y a qu'un grand
despotisme qui puisse dompter les partis irrites. Le directoire etait ce
gouvernement legal et modere qui voulut faire subir le joug des lois aux
partis que la revolution avait produits, et que cinq ans de lutte et de
reaction n'avaient pas encore epuises. Ils se coaliserent tous, comme on
vient de le voir, au 30 prairial, pour amener sa chute. L'ennemi commun
renverse, ils se trouvaient en presence les uns des autres sans aucune
main pour les contenir. On va voir comment ils se comporterent.
La constitution, quoique n'etant plus qu'un fantome, n'etait pas abolie,
et il fallait remplacer par une ombre le directoire deja renverse.
Gohier avait remplace Treilhard; il fallait donner des successeurs a
Larevelliere et a Merlin. On choisit Roger-Ducos et Moulins. Roger-Ducos
etait un ancien girondin, homme honnete, peu capable et tout-a-fait
devoue a Sieyes. Il avait ete nomme par l'influence de Sieyes sur les
anciens. Moulins etait un general obscur, employe autrefois dans la
Vendee, republicain chaud et integre, nomme comme Gohier par l'influence
du parti patriote. On avait propose d'autres notabilites ou civiles
ou militaires, pour composer le directoire; mais elles avaient ete
rejetees. Il etait clair, d'apres de pareils choix, que les partis
n'avaient pas voulu se donner des maitres. Ils n'avaient porte au
directoire que ces mediocrites, chargees ordinairement de tous les
_interim_.
Le directoire actuel, compose, comme les conseils, de partis opposes,
etait encore plus faible et moins homogene que le precedent. Sieyes, le
seul homme superieur parmi les cinq directeurs, revait, comme on l'a vu,
une nouvell
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